Brigade des Clowns, Déboulonneurs, Clan des néons. L’activisme a pris ces dernières années une apparence sympathique propre à séduire les médias. Les nouveaux militants sont-ils pour autant devenus des rigolos ? Fluctuat est allé assister à un stage de désobéissance civile organisé par les « Désobéissants », à Strasbourg, où les apprentis contestataires se nourrissent à l’expertise militante et aux débats stratégiques.
Désobéir, c’est bien. Devant les caméras et avec le sourire, c’est mieux. Faucher des champs d’OGM, s’attacher à un camion, bloquer un train qui transporte des déchets nucléaires en coinçant ses bras sous les rails… Tels sont les scénarios médiatiques testés dans les stages de désobéissance civile avant d’être appliqués en grandeur nature. Alors, humour et activisme font bon ménage, certes, mais il ne faut pas en abuser, nous rappelle Xavier Renou dans la gare en partance pour l’Alsace.
Robocop vs ange gardien
Durant l’atelier média et les jeux de rôle CRS-militants, les étudiants es-désobéissance aiguisent leur regard de scénariste. Enthousiaste, Perle se verrait bien poursuivre avec un des stages de clownactivisme organisé par les Désobéissants, elle qui se déguise déjà en clown dans les hôpitaux ; Baptiste lui est tenté par celui d’escalade militante. Mais les étudiants ne sont pas là que pour la communication militante, ils veulent aussi connaître leurs droits et débattre des modes d’activisme, devenir experts. Dans la séance méthodologique de l’après-midi, Xavier et Baptiste récitent alors la Bible de l’activisme efficace, celui qui sait éviter les risques inutiles et les grosses amendes.
Tout est dans l’équipe. Quand les « activistes » seront attachés au camion, les « anges gardiens » les appuieront, tandis que « les médiateurs » assureront la cohésion de l’équipe et que « les coordinateurs » gèreront le tout. Sans compter les « portes paroles », les « contacts juridiques » et le « contact presse ».
Pour faire fonctionner cet attelage, insiste le formateur, il est très important d’aller tous boire un coup à la fin de l’action et/ou d’aller soutenir les copains envoyés en garde à vue. Car, au cas où l’affaire Coupat ou la loi sur les bandes ne suffiraient pas à leur rappeler, désobéir est de plus en plus risqué juridiquement. Ou physiquement. Le stage prépare les militants à ces deux dangers : physiques et moraux.
Storytelling ou guérilla ?
Passé par Greenpeace, Xavier Renou a vécu les dérives de l’ONG adepte du marketing vert et des grands coups médiatiques. Jouer le jeu des médias, d’accord, mais à contre cœur. Derrière le storytelling des Désobéissants se terre une stratégie de guerre médiatique, le « hit and run » né de la guérilla : scruter la faille de l’adversaire, y frapper un grand coup, se replier, puis recommencer…
Le bon cliché doit symboliser la justesse de la cause et passer les adversaires pour les vrais dangers aux yeux de l’opinion publique. Cas exemplaire de coup de poing médiatique, le PDG de Numéricable qui renverse un gréviste et lui cause une triple fracture, le tout filmé par les Désos. Loin de former des utopistes naïfs, le stage enseigne aussi que la désobéissance civile a un coût. Pour avoir aspergé Hubert Védrine de faux sang, Xavier Renou paiera une amende de plusieurs milliers d’euros… Le coût de l’illégalité.
Mais pour les militants en herbe, la cause, de la décroissance au droit au logement en passant par la lutte contre la pollution visuelle, ça n’a pas de prix. Après avoir bûché leur méthodologie pendant les vacances scolaires, ils n’ont qu’une hâte : passer à l’acte. A Xavier Darcos qui refusait pendant les grèves universitaires de délivrer des doctorats en blocage, les Désobéissants répondent par un large sourire de clown… Et de façade.