Rex, connard de chien de Monsanto

Charlie Hebdo N°1184 du 1er avril 2015 – Tout est clair : les experts de l’ONU classent le Roundup de Monsanto dans la liste des cancérogènes ? Mais en vingt ans, cet herbicide est devenu le plus vendu au monde, et les petites mains de l’industrie des pesticides ont eu le temps de saloper toutes les rivières de France et de Navarre.

Soit un connard de chien, Rex. Dès 1996, cette pauvre tache se met un bidon de Roundup sur le dos et court le balancer sur une vilaine plante qui disparaît en trois secondes. Le spot publicitaire est formel : cet herbicide est « biodégradable » et laisse « le sol propre », jusques et y compris le nonos de Rex. En 2000, Rex le tocard, qui a trouvé entre-temps une gueuse, veut l’épater en nettoyant à fond un jardin plein de verdure. Le Roundup , amis de la propreté, permet de « désherber intelligent » en détruisant de l’intérieur les « mauvaises herbes », des feuilles jusqu’aux racines.

Bien qu’on ait du mal à le croire, Monsanto , proprio de Roundup via une filiale, mentait grossièrement : le Roundup craint. Qui le dit ? L’indiscuté Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’ONU qui vient de classer le glyphosate (le Roundup est l’une de ses marques commerciales) « cancérogène probable ». [1] Probable, car si cette saloperie est cancérigène à coup certain pour les animaux, on manque pour l’heure d’études sur l’homme. Mais tous les spécialistes indépendants de l’industrie savent ce que cela veut dire : le glyphosate file le cancer. Entre autres. Au reste, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) l’avait déjà classé en 1985 « cancérogène possible ». Trente ans de gagnés pour Monsanto , qui a fait du Roundup l’herbicide le plus vendu au monde. On en a foutu dans les jardins, le long des voies de chemin de fer, on en a épandu sur toutes les cultures possibles, y compris par voie aérienne, ce qui est excellent pour la santé des riverains.

Produit de l’année et cancérogène, c’est possible

Ainsi qu’on se doute, Monsanto se branle absolument de la vérité. La preuve par la justice, saisie entre autres par l’association [Eau et Rivières de Bretagne (ERB). En 2007, le tribunal de Lyon condamne Monsanto pour publicité mensongère, ce que confirme l’appel, « attendu qu’il apparaît que les préposés du groupe Monsanto n’ignoraient pas, préalablement à la diffusion des messages publicitaires litigieux, que les produits herbicides pour jardins d’amateurs visés à la prévention présentaient un caractère écotoxique ». En 2009, après décision de la Cour de cassation, la sanction devient définitive. Sauf pour Monsanto , qui a opportunément inventé le Gel Roundup en 2012. Nouvelle pub où l’on apprend avec ravissement que l’on peut appliquer le gel d’une seule main – mais que fait l’autre ? – et que celui-ci colle aux feuilles indésirables, ce qui rend bien des services. On y voit au passage cramer sur place, grâce au Roundup , un satané liseron qui gênait dans le décor. Le gel atteint alors au sublime, car, en 2013 – hier – il est élu « produit de l’année » par un copieux panel de spécialistes de la pub et du marketing. On ne saurait mieux raconter le monde réel.

À l’arrière-plan de ces pignolades, le chiffre d’affaires. L’atrazine, autre herbicide très utilisé dans le monde, a été commercialisé en France en 1962, notamment dans les monocultures de maïs industriel. Avant de polluer pour au moins des décennies plus de 90 % de nos rivières. La France l’a interdit en 2003 – il est lui aussi cancérigène – mais le mal était fait et sa persistance est telle qu’on retrouve la molécule dans d’innombrables prélèvements d’eau. Par bonheur, les petits malins de Monsanto tenaient déjà leur remplaçant avec leur magnifique Roundup . Oui, ça marche comme ça.

Bien entendu il y a les fâcheux comme ceux du collectif Roundup Non Merci ou de Combat Monsanto. Ces zigotos multiplient les coups d’éclat dans les magasins eux-mêmes, au point qu’il faut faire un tri désolant. Certains sont allés semer la discorde chez Castorama, à Saint-Nazaire ou près de Grenoble, chez Gamm-Vert, à Amiens, chez Auchan, aux portes de Paris. Certains commerçants, pas fous, ont accepté de retirer le Roundup de leurs rayons, mais pas tous. Vilmorin , sur les quais de Seine, refuse, au motif désormais dérisoire que le Roundup n’est pas dangereux.

Morale de l’histoire ? On va chercher, mais ça prendra du temps.

Fabrice Nicolino

[1] iarc.fr Quatre autres pesticides ont été classés cancérogènes probables ou possibles