On parle de nous

Ces infos, relevées dans les medias, ne reflètent pas forcément la position du collectif des désobéissants.


La désobéissance civile au journal de 20h - TF1 le 4 décembre 2013



Les désobéissants et la méthode Alinsky


Inter Treize sur France Inter le 15 février 2013 (12 mn)

Désobéir au nucléaire : David Abiker reçoit Xavier Renou, « Les désobéissants »,
sur Europe 1 le 17 mars 2011.

A Mont de Marsan, 13 militants anti-M51 pénètrent dans la base

A Mont de Marsan, 13 militants anti-M51 se sont joués de l'armée et des gendarmes mobiles. Serpentant entre les contrôles d'identités et les genêts piquants, une longue et épuisante marche d'approche a permis à quatre bayonnais d'aller au bout de l'aventure.


Vendredi 2 avril au soir, quelque part dans les Landes
Les militants du collectif « non au missile M51 » se retrouvent. On compte quatre bayonnais. Formé en 2006, le collectif affiche déjà à son palmarès le retardement de trois jours du lancement test du missile M51 en juillet 2007. Il est rejoint par des membres du collectif des désobéissants, du collectif des Clowns et des membres des Amis de la Terre, tous en désaccord avec la politique de la France en matière d'armes nucléaires. Les militants ne s'attendent pas aux déclarations que tiendra quelques jours plus tard Barack Obama, à savoir sa volonté de promouvoir un monde sans nucléaire conformément aux exigences du consortium de militaires et de politiques nommé Global Zero. Ils savent cependant que la conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) doit se tenir bientôt et que Moscou et Washington conviendront d'un accord aujourd'hui mercredi. Dans ce contexte et en synergie d'un mouvement européen, les militants veillent aux derniers préparatifs dans l'espoir de mener une action « symbolique et concrète » le lendemain à la base 118 de Mont-de-Marsan (contenant des missiles nucléaires moyennes portée d'aviation (ASPM)). Car le collectif "non au M51" n'a pas caché ses intentions, ni sur internet, ni dans la presse : ses membres souhaitent pénétrer à visage découvert et de manière pacifique dans la base landaise afin de mener une inspection-citoyenne. En effet, les opposants aux armes nucléaires considèrent que la France viole de manière flagrante le TNP. Tout d'abord parce Paris refuse d'ouvrir ses portes aux inspecteurs de l'agence internationale des énergies atomiques, mais surtout, parce que la France estime que le renouvellement et l'intégration de nouvelles technologies à son arsenal nucléaire, n'est pas une entrave aux accords de non-prolifération. Bien sûr, les militants seront attendus demain, donc on étudie attentivement les cartes, on répète le scénario mais on se détend aussi puisque les activistes pacifistes venus des quatre coins de l'hexagone sont pour la plupart très fatigués par le trajet. Marseillais, Parisiens, Bayonnais, Bordelais, on échange volontiers son analyse, peu croient encore à la capacité de rentrer dans la base vu l'ampleur du dispositif de sécurité annoncé.

Samedi 3 avril 7H00
Tous le monde se prépare, dernier briefing, organisation du transport et de la démarche à suivre. Les militants sont convaincus que si deux militants parviennent à leur objectif la mission aura été remplie. Les risques juridiques sont connus : amendes, garde à vue, etc. Une voiture de Gendarmerie est déjà là et surveille les allées et venues, nous sommes pourtant à une heure en voiture de la capitale, très loin de toutes agglomérations. Un auto-collant orange avec la mention inspecteur-citoyen est distribué à chacun.

10H00
C'est le départ. Dans un cortège de voitures, les militants se dirigent vers Mont-de-Marsan. Très vite les contrôles se multiplient. Xavier Renou du collectif des désobéissants est reconnu lors d'une vérification d'identité. Les gendarmes pensent saisir la tête pensante de l'action antinucléaire mais seront très vite surpris par la manière dont il réussira à les semer par la suite.

11H00
Par petit groupe, les militants qui ont passé avec succès les contrôles, sont dispatchés tout autour de la zone militaire contenant les armes nucléaires. Nous apprendrons plus tard que les service de l'ordre attendaient une intrusion au petit matin. Les gendarmes mobiles patrouillent et contrôlent à l'extérieur de la base, les militaires à l'intérieur, ils seraient 500 fermés dans le périmètre. PBI a suivi un groupe de trois militants dont un bayonnais. Leur itinéraire : une longue marche d'approche dans la forêts des landes, une zone à découvert, une route avec beaucoup de passages de véhicules de l'armée, une ou deux barrières barbelés à franchir.

14H
La marche d'approche se poursuit, les bruyères et les genêts facilitent le camouflage, pas la douceur de la peau des mollets. Le groupe avance avec prudence avec une sensation omniprésente de surveillance. Lorsqu'il se rapproche de la zone à découvert, il ne reste que deux cents mètres. Les opinions sur la stratégie à mener divergent. Douceur ou action éclair ? On rampe, on s'accroupit, on prépare le matériel nécessaire. Les jeeps de l'armée et les fourgons de gendarmerie passent en permanence. Un créneau semble possible, ils s'élancent... Les militants tentent de franchir la barrière de barbelés, mais soudain, un gendarme mobile et des militaires surgissent et les interpellent. Les antinucléaires n'ont pas eu le temps de pénétrer la base. Ils sont refoulés, ils ne seront pas mis en garde à vue.

17H Point de rendez-vous dans Mont-de-Marsan
Bilan avec les autres équipes mais aussi avec les Clowns qui ont manifesté toute la journée devant l'entrée de la base. A la surprise générale treize militants sont rentrés. Certains sont restés plus de 40 min, tentant d'obtenir le maximum d'infos de la zone classée secret défense. Une groupe de trois a excellé dans son action en ne laissant aucune trace derrière eux. Les militaires ont expulsé les intrus sans réelles violences. Aucune garde à vue n'a été engagée. Seul un militant bordelais à eu droit, la matraque bloquée sur la gorge, à des menaces de mauvais goût du type « si on t'enterre là personne ne viendra te chercher ». Les gendarmes ont reconnu avoir été surpris par l'organisation et les moyens utilisés. Il faut dire que les militants antinucléaires ne sont pas forcément leurs opposants idéologiques, l'avenir de l'arme nucléaire fait également débat au sein de l'armée.

19 H Retour à la case départ quelque part dans les landes.
Debriefing, bilan de la stratégie. Une grosse satisfaction se dégage. Les militants se donnent d'ores et déjà rendez-vous pour de nouvelles actions. La France doit procéder en juin à un tir du nouveau missile M51. Ce dernier a un champ d'action de 8000 km, il présente 20 têtes nucléaires contre 16 pour son prédécesseur technologique. En 2010 la France aura entièrement réformé ses dispositifs d'armement nucléaire. Les coûts sont classés "secret défense".

Pays Basque Info 5 avril 2010

Les désobéissants dans l'émission 5 à 7 sur France Inter


Deux heures d'émission le 16 janvier 2010

Désobéissance radiophonique sur Générations FM

Dans l'émission Générations Citoyens le 14 janvier 2010, une rencontre entre deux militants: Xavier Renou du collectif "Les désobéissants" et Sear Lui-Même, rappeur et dessinateur, ancien membre de 1 Bario 5 S’pry. Une heure de désobéissance radiophonique...

Sur Radio Libertaire : deux émissions avec les désos, le même jour
(et on s'était pas donnés le mot)



La philantropie de l'ouvrier charpentier, 9 janvier 2010 : La désobéissance civile (84 mn)



Chroniques Rebelles, 9 janvier 2010 : Un nouvel art de militer,
Sébastien Porte, Cyril Cavalié et l'Eglise de la Très Sainte Consommation (117 mn)

Contestation : Obéir s'apprend, et désobéir aussi. Une quinzaine de futurs manifestants suivait un stage de désobéissance, samedi 10 et dimanche 11 octobre 2009, près de Metz, pour se préparer à la réalisation d'actions directes non-violentes. Cette formation, animée par deux membres du Collectif des Désobéissants, dispense plusieurs techniques de lutte et de résistance, à mettre en œuvre lors d'une opération de contestation. Ce stage forme à l'action, mais aussi à la discussion et à la réflexion.

La friture, arme fatale

Sud-Ouest - Lundi 14 Décembre 2009 - COPENHAGUE. La police danoise a confisqué le carburant du bus d'une association de Charente-Maritime, assimilé à une arme.


En video, le reportage de Dimanche + du 20 décembre 2009

Tandis que les grands de ce monde cherchent gravement, à Copenhague, quelques solutions au grand chambardement climatique, la police danoise veille sans sciller à la sérénité des débats. Elle vient ainsi de bloquer le bus français de la « caravane solidaire », bus ô combien écolo puisqu'il roule au carburant mis au point depuis trois ans par la célèbre association oléronaise Roule ma frite, un mélange de gasoil et d'huile de friture recyclé.

Plutôt circonspecte à la vue des jerricans solidement, et visiblement, arrimés à la galerie de l'autocar, la police a saisi 17 bidons (de 20 litres et de 5 litres) d'huile, soit les 250 litres de carburant nécessaires au retour en France. Les patientes explications de Gregory Gendre, le pacifique coordinateur de Roule ma frite, n'y ont rien fait : après une heure et demie d'un dialogue de sourds et dans un froid piquant, les agents ont embarqué les bidons, laissant l'équipage héberlué en panne presque sèche.

« Ils ont cru que nous pouvions nous en servir pour fabriquer des explosifs, commente Gregory Gendre, aussi agacé qu'amusé par le côté farce d'une affaire qui lui valait - hier soir - les assauts médiatiques. Je ne leur en veux pas vraiment : ils ont des consignes, ils ont fait leur boulot, et hormis les palpations d'usage, ils ont d'ailleurs été plutôt courtois. Mais, en plus d'être ridicule, cette histoire illustre un vrai paradoxe : covoiturage, voyage en bus avec du carburant bio, on a fait beaucoup d'efforts pour venir à Copenhague en réduisant au maximum notre empreinte écologique. Et là, on nous oblige à reprendre la route avec du gasoil. C'est ridicule... »


Ici une autre video, à télécharger, de l'arrestation des méchants bidons d'huile
qui menaçaient la sécurité intérieure du pays

Ambiance bon enfant

Parti de Paris mardi dernier, le bus « solidaire » rassemblait une trentaine de jeunes militants issus de tous les horizons de l'arc-en-ciel altermondialiste français, du Droit au logement à la Brigade activiste des clowns, d'Attac à Emmaüs, du Collectif des désobéissants à celui opposé à un deuxième aéroport à Nantes. Le comité de soutien aux inculpés de Tarnac ne manquait pas non plus à l'appel.

« Ambiance complètement bon enfant », assure Gregory Gendre, qui, pour le coup, ne souhaite pas être assimilé à un casseur. Lui avait notamment fait le voyage pour remettre à l'ambassade de France les « cahiers de doléances sur le climat » rédigés par les CM1 et CM2 du Château-d'Oléron, et par les élèves de seconde de Bourcefranc. Mission accomplie. L'ambassadeur a même été sollicité une deuxième fois pour tenter une médiation avec la police danoise. Laquelle ne rendra les bidons d'huile que le 22 décembre, bien après la clôture du sommet international.

À ce stade, de deux choses l'une. Soit la police danoise renonce immédiatement à confondre cette hypothétique arme de destruction massive. Soit le commissariat de Copenhague ne va pas tarder à empester la friture.


Action de désobéissance civile au centre de conférence de Copenhague
Arrestation des désobéissants le 15/12/09 - Video du Collectif à-vif(s) sur Vimeo

Enquête : COMMENT L’ÉTAT ESPIONNE LES ALTERMONDIALISTES

LES NON-VIOLENTS ÉNERVENT LES BARBOUZES

Charlie Hebdo n°909, 18 Novembre 2009. Agacé, voire ridiculisé, par une gentille nébuleuse d’altermondialistes en plein essor, l’État sort les gros moyens. Écoutes téléphoniques, filatures, infiltration… Tout est bon pour les surveiller de près, et notamment les Désobéissants, ce collectif non violent qui appelle à la désobéissance civile. Le marteau-pilon pour écraser le moustique.

L’ULTRA-GAUCHE, «ADVERSAIRE» DES GENDARMES

Depuis que les gendarmes se piquent de faire du renseignement, leurs synthèses arrosent les responsables flics, au risque de marcher sur leurs plates-bandes. Ça a râlé sec à la préfecture de police de Paris quand, à la veille de la manif anticarcérale du 8 novembre, le Groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) a transmis une note sur l’ultra-gauche, citant notamment un rapport des RG de 2008.
Rien de bien neuf dans ce document daté du 2 novembre, que Charlie a consulté. Mais les gendarmes utilisent noir sur blanc un drôle de mot pour décrire les membres de la nébuleuse de l’ultra-gauche : les « adversaires ». Manière bien martiale et radicale de décrire de futurs manifestants... L L.

Le 8 novembre, pour la manif organisée à Paris contre les conditions de détention pénitentiaire, susceptible de rassembler ces « ultra-gauchistes » qui font si peur au gouvernement, le ministère de l’Intérieur avait vu grand: plus de 2 000 flics et gendarmes mobilisés. Sans compter les services de renseignement. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui rassemble depuis 2008 les RG et la DST, « était en planque sur l’ensemble du parcours », explique un flic. Les responsables policiers et les gendarmes craignaient d’éventuels débordements, comme à Poitiers le 10 octobre dernier, dus aux groupes d’autonomes dits « insurrectionnalistes », qui ont fait de l’action violente une marque de fabrique. Ce 8 novembre, aucun incident, mais quelques interpellations effectuées. Pour la forme… Opérant discrètement, des agents secrets-photographes s’en sont donnés à cœur joie. Pas pour les archives du studio Harcourt, juste pour enrichir les fichiers de la Place Beauvau.
Les mouvements de gauche alternative, altermondialistes et pacifiques, mobilisent tout autant, voire plus, que les groupuscules violents les lourds moyens de l’État. Les Désobéissants (lire encadré) sont les premiers visés. Ce collectif en pointe contre le nucléaire a dressé la liste des bizarreries, ressemblant fort à des barbouzeries, qui se sont produites depuis deux ans. « Nous avons été infiltrés par un agent », révèle ainsi Xavier Renou, porte-parole de l’association. Une vraie opération d’espionnage. Un jeune homme, se présentant sous le prénom de Laurent, s’est lié depuis le début des années 2000 au Comité des objecteurs du Tarn (COT), une association antimilitariste, y prenant même des responsabilités. Il participe par exemple, aux côtés de ses camarades, aux actions « Fermons Euro-satory », pour la fermeture du Salon d’armement de Villepinte. Et se rapproche en juin 2007, à l’occasion d’un stage, des Désobéissants. Un jour, surprise : l’association reçoit une lettre anonyme, « dans laquelle figurait sa photo en uniforme et lui attribuant un autre nom », raconte Ben, un membre du COT. L’homme s’explique alors devant ses camarades, rejetant les soupçons sur son appartenance à un service quelconque. «Il était difficile de faire la preuve de ces accusations, donc on l’a gardé en le mettant discrètement à l’écart », continue Ben. Mais, par une rencontre fortuite avec un copain commun, la confirmation tombe : « Laurent » est un faux prénom, et l’intéressé était militaire. Agent de la DRM (Direction du renseignement militaire), de la DPSD (ex-Sécurité militaire) ou de la DGSE, peu importe : il a immédiatement disparu de la circulation...
Un fin connaisseur du milieu altermondialiste ne s’étonne guère devant tant de sollicitude de la part des services de sécurité. « Les Désobéissants enseignent l’art et la manière de pénétrer dans un lieu ultra-sécurisé. Leur dénonciation est finalement plus subversive que celle des groupuscules autonomes se livrant à des actes de violence, somme toute assez prévisible. Ces altermondialistes mobilisent bien plus et sont repris dans les médias. Il n’y a rien de pire que de ridiculiser l’État ! »
À quatre reprises, les Désobéissants ont envahi le Centre d’essais de lancement de missiles (CELM), une zone militaire formellement interdite au public, près de Biscarrosse. Ça fait désordre...

«LES ALTERS ET AL-QAIDA, MÊME COMBAT!»

LES JOYEUX DRILLES DES DÉSOBÉISSANTS

Créé en 2006, ce collectif prône «l’action directe non violente», selon son porte-parole, Xavier Renou; c’est un outil «au service des luttes des autres», faucheurs d’OGM, démonteurs de panneaux publicitaires, hébergeurs de sans-papiers ou autres. Leur spécialité : organiser des stages de désobéissance civile et pacifique. Ces joyeux drilles — 6 500 militants facilement mobilisables — s’enchaînent aux grilles, se couchent par terre, se déguisent, aspergent éventuellement une personnalité de liquide couleur sang, mais assurent toujours prévenir les autorités à l’avance [Note des désos : erreur !]. Les «Déso» tentent aussi de pénétrer sur des terrains militaires pour en perturber l’activité. L. L.

La police ne perd pas une occasion pour accentuer la pression. Pour les membres du collectif, le cambriolage, en septembre dernier, du domicile d’un militant des Landes, au cours duquel des agendas, des clés USB et un seul chéquier (sur trois disponibles) ont été volés, est signé. Un coup des services, affirment-ils, sans preuves. Par contre, selon nos informations, des écoutes téléphoniques administratives — et non pas sous le contrôle d’un juge — sont régulièrement pratiquées. Chacun des stages organisés par les « Déso » se déroule sous l’œil, ou presque, des services de renseignement. L’adresse de la rencontre est dévoilée au dernier moment, mais n’échappe jamais à la vigilance policière ou militaire. En août 2007, en Bretagne, sur un chemin menant à une ferme où logent plusieurs militants, non loin d’une centrale nucléaire, une caméra est découverte, posée sur un trépied et planquée sous une coque peinte, camouflée dans des feuillages. Un fil d’une vingtaine de mètres conduit à un système d’enregistrement. « L’adjoint au maire du village, prévenu, a déposé plainte », raconte Barbara, une militante présente sur les lieux. Pas de surprise, la procédure n’a rien donné.
Dans cette ambiance sécuritaire, le Camp action climat (CAC) d’août 2009 ne pouvait pas non plus échapper à l’espionnage d’État. Réunissant, selon Libération, « une mosaïque d’activistes environnementaux décidés à en finir avec l’immobilisme des négociations internationales », soit plusieurs centaines de personnes, à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), sur le site d’un futur aéroport, le camp a vécu pendant plusieurs jours sous l’œil de la DCRI. Finie l’époque pépère des RG locaux venant collecter l’info en partageant un godet. Les méthodes musclées et cloisonnées de la DST ont pris le dessus. « Pour ce type d’occasions, tous les matériels servant à l’espionnage et à la lutte antiterroriste sont utilisés, confie un flic. Les alters et Al-Qaida, même combat ! » Écoutes, scanners, photographies, vidéos, micros, tout est bon. Il faut reconnaître que la République a tremblé à Notre-Dame-des-Landes. Une Brigade des clowns a occupé le hall de l’aéroport de Nantes, déversé de la paille sur le sol et organisé un pique-nique. Une franche rigolade, qui mérite sûrement les moyens de la lutte anti-terroriste.
Laurent Léger

Les espions de l'armée française gardent les Désobéissants à l'oeil


France Bleue : Un "drôle" de cambriolage à Pontenx les Forges, 18 nov. 2009 (1mn21)

Par David Servenay Rue89 - 19/11/2009
Infiltration d'une taupe, écoutes, caméras: les stages d'«action directe non-violente» organisés par Xavier Renou sont très surveillés..

C'est un secret de polichinelle qui amuse même les plus gauchistes des militants. L'Etat surveille de près l'action des Désobéissants et autres groupuscules contestant notamment la politique militaire. Charlie Hebdo l'explique longuement dans sa livraison hebdomadaire. Le ministère de la Défense, lui, dément.

Xavier Renou est un vieux militant à qui on ne l'a fait pas. Détesté par les « totos » (les autonomes qu'il a fréquenté dans sa jeunesse par le réseau No Pasaran), cet ancien de Greenpeace a réussi à développer un vaste réseau de militants -les Désobéissants- à qui il apprend les vertus de l'action directe non-violente. (voir la video)


Vidéo (tournée en octobre 2008) : Paul Meyer

Un mode d'action très médiatique qui suscite la curiosité des services de renseignement militaires. Logique, les Désobéissants ont pris pour cible quelques zones protégées : la base des sous-marins nucléaires de l'île Longue, celle qui abrite le missile M-51 dans les Landes, le siège de l'Otan à Bruxelles… qu'ils ont parfois réussi à pénétrer.

Un infiltré du renseignement militaire démasqué

Comme le raconte Charlie Hebdo, ce réseau fait donc l'objet d'une surveillance accrue des espions français. L'un d'eux, Laurent F., est membre du Comité d'objecteurs du Tarn (COT). A l'été 2007, il se rapproche des Désobéissants au cours d'un stage d'apprentissage aux méthodes non-violentes. Puis, en septembre, il se mêle aux activistes qui envahissent le Centre d'essais de lancement de missiles de Biscarosse.

Quelques jours plus tard, Xavier Renou et ses amis reçoivent une lettre de dénonciation anonyme :

« Il y avait une photo de “Laurent F.” en uniforme, son vrai nom et l'indication qu'il travaille en réalité pour le renseignement militaire. Comme c'est une lettre anonyme, nous craignons une intoxication, mais nous faisons quand même notre petite enquête… »

L'enquête ne donne rien, mais le hasard permet de confondre l'infiltré : il est identifié par un ami commun qui connaît son vrai métier. Pris la main dans le sac, il ne nie pas avoir un temps travaillé pour l'armée, tout en prétendant que c'est du passé. Puis il disparaît définitivement de la circulation…

Une surveillance qui dure

Suivent plusieurs anecdotes dont les Désobéissants se délectent : une caméra militaire camouflée devant une maison bretonne où un stage a lieu, des écoutes téléphoniques, des surveillances, les RG qui viennent à la pêche aux infos, la visite d'un ponte de la gendarmerie, des cambriolages étonnants…

Pour Xavier Renou, autant d'indices que les services cherchent à la fois à savoir ce qui se trame dans ce nouveau réseau et à intimider ses membres :

« Si cette surveillance dure, c'est qu'ils ont peur du potentiel que l'on représente. On agrège des gens sur le fait que l'on partage des valeurs et des adversaires. Donc, on échappe à la logique de scission des grouspuscules politiques de l'extrême gauche, où l'on peut se disputer pour la place d'une virgule dans un tract.
Nous attirons des gens qui se tenaient à l'écart de cette radicalité… du coup, ça fait du monde. »
« On pourrait presque travailler pour des UMP un peu originaux ! »

En guise de démonstration, Xavier Renou aligne les chiffres…

* 7 500 contacts de sympatisants pris en trois ans
* 90 stages
* 2 500 personnes

Et les missions de conseil ou de formation :

* les syndicats (Sud, mais aussi depuis peu la CFDT et la CGT)
* les partis politiques (des Verts au Modem, en passant par le PC et le PS) et même le NPA!

Les critères pour venir se former sont volontairement larges :

« Dès lors que la revendication nous semble servir le bien commun, on y va. Sans se laisser instrumentaliser, car nous sommes un instrument de toute façon. A la limite, on pourrait presque travailler pour des UMP un peu originaux ! »

Le ministère de la Défense, que Rue89 a sollicité, s'est montré peu prolixe sur le sujet. Le cabinet d'Hervé Morin a livré la réponse suivante sur l'infiltration de Laurent F. :

« Après avoir vérifié auprès des services cités, aucun d'entre eux n'est impliqué dans ce dossier. »

Camp action climat, le champ des partisans

A l’occasion du premier campement de ce type en France, qui prend fin ce week-end, notre journaliste a posé sa tente au milieu de cette mosaïque d’activistes environnementaux.

REPORTAGE Libération 07/08/2009 - Par LAURE NOUALHAT Notre-Dame-des-Landes, envoyée spéciale

Il s’agit du premier Camp action climat organisé en France, un rassemblement original qui réunit, depuis lundi et jusqu’à dimanche, une mosaïque d’activistes environnementaux décidés à en finir avec l’immobilisme des négociations internationales. Un camp comme celui-là ne s’installe pas au petit bonheur la chance mais se déploie au plus près d’un projet climatiquement dangereux : aéroport, rocade, autoroute, centrale à charbon… En l’occurrence, chapiteaux colorés, tipis et dômes plastifiés se sont élevés sur le site pressenti du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Ce projet, dans les cartons depuis quarante ans, a été reconnu «d’utilité publique» en février 2008, à l’époque où le Grenelle de l’environnement était censé lancer la révolution écologique. Dans le département, la classe politique défend bec et ongles l’aéroport au nom du développement économique et au mépris de l’opposition locale. Ce Camp action climat réactive la lutte.

12 h 30

Je me suis dégonflée, j’ai laissé mon vélo à Paris. J’avais imprimé l’itinéraire pour pédaler de la gare de Nantes jusqu’à Notre-Dame-des-Landes mais avec un ordinateur et une tente, mes mollets et surtout mon envie ont flanché. Pour compenser, j’ai déposé une annonce sur le site de covoiturage et trois esseulés de la route m’ont contactée. Direction, le Camp action climat (CAC). J’arrive au campement. Au milieu du champ, une éolienne aux pales de bois tourne sans discontinuer. Sa puissance alimente les installations du CAC et de la Semaine de la résistance, deux événements organisés à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) jusqu’à dimanche.

Avec mes trois covoiturés embarqués à Nantes, je me présente sous la tente d’accueil. Il fait une chaleur de bête, et pourtant il n’y a pas grand monde. Je m’apprête à m’inscrire comme simple participante quand j’aperçois un sticker destiné au journaliste. Je décline alors mon pedigree de représentante des «médias dominants». Je ne me rends pas compte sur le coup mais je vais déclencher quelques heures d’intense brainstorming. En attendant, comme j’ai monnayé le covoiturage contre de l’aide pour le montage de ma tente, nous partons nous installer à l’ombre, en lisière du bois, près du garde-manger. Et en face des toilettes sèches.

15 heures

Branle-bas de combat. L’arrivée d’une journaliste de Libé déclenche la tenue exceptionnelle d’une assemblée générale, intitulée «présence d’une journaliste sur le camp». Ici les règles sont simples : les représentants des médias dominants sont indésirables, car soupçonnés, souvent à raison, de caricaturer ce qui se passe. «C’est vrai, ils préfèrent généralement photographier la fille en dreadlocks fluo plutôt que le gars "normal", qui agit dans une ONG ayant pignon sur rue», m’explique un participant. Certains pensent qu’on peut changer les règles («On l’a bien fait pour la présence des chiens sur le camp», m’explique Baptiste, un des préposés à l’accueil), d’autres restent intraitables.

A l’entrée du media center, réservé aux «médias libres», une pancarte : «Don’t hate the media, BE the media» (Ne haïssez pas les médias, devenez les médias). Le Camp action climat n’a ni chef ni porte-parole. Ceux qui le composent (associatifs, autonomes, médias libres, «Objecteurs de croissance», désobéissants…) revendiquent leur diversité.

16 h 30

Verdict. On me soumet une alternative : je peux rester sur le camp à condition de ne pas travailler ou je déplace ma tente sur le champ d’à-côté. J’aurais alors le droit de déambuler dans le campement quelques heures par jour, à condition d’être cornaquée par un «référent». Quelques supporteurs me proposent une discussion autour d’un narguilé de la paix. Mais au fond de moi, j’ai l’impression d’être partie en reportage en Corée du Nord, toutes choses égales par ailleurs. Deux copains m’aident à déménager mon barda.

17 heures

Sous les tipis et les dômes, des «groupes d’affinités» (les militants ayant développé des liens de confiance et d’amitié) mettent leurs actions au point, découpent leurs banderoles et discutent des détails de la journée de samedi. Une caravane dévolue au soutien juridique accueille ceux qui s’interrogent sur les risques encourus lors des actions. Ce premier camp français préfigure le gigantesque rassemblement prévu à Copenhague en décembre pour la conférence des Nations unies sur le climat (COP 15). Ce sommet décisif déterminera l’avenir climatique de la planète. Mais, ne croyant plus aux négociations institutionnelles qui se jouent dans les grands raouts internationaux, les activistes souhaitent désormais expérimenter de nouvelles formes d’action, parfois illégales.

Le premier Camp climat est né en Grande-Bretagne à proximité du plus grand émetteur de CO2, l’usine de charbon de Drax (dans le Nord de l’Angleterre), en 2006. A l’heure actuelle, une vingtaine de camps sont organisés dans le monde (Etats-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Danemark, Islande, Italie, Allemagne…). En Grande-Bretagne, les tentes du Camp action climat ont poussé à côté de Kingsnorth (dans le Sud-Est) depuis lundi, sur le lieu d’un projet de centrale au charbon, le premier depuis trente ans.

19 heures

Salade de riz et rouge qui tâche. Dîner avec les accueillants Objecteurs de croissance qui ont planté leur chapiteau sur le champ d’à côté, dans la zone réservée à la Semaine de la résistance.

Alors que le Camp action climat s’essaie à de nouvelles formes d’action, les Objecteurs de croissance réfléchissent à leur structuration politique. Ils ont déjà présenté quelques listes aux élections européennes du 7 juin, au cours desquelles ils auraient récolté 6 000 voix. Ils souhaitent désormais se présenter aux régionales et, pourquoi pas, nouer des alliances avec le Nouveau Parti anticapitaliste, le Parti de gauche, voire même les Verts. Entre la crise financière, les préoccupations écologiques et le dégoût grandissant de la société de consommation, l’année a été propice aux idées de la décroissance. Mais le public n’est pas franchement au rendez-vous : à peine une centaine de participants discutent sans relâche de la «transition de la société», du «distributisme» ou de l’action politique.

23 heures

J’ai oublié ma lampe de poche. Heureusement, la lune me guide jusqu’aux toilettes sèches. Sous l’éolienne en bois, sur la fameuse ligne de jointure des deux camps, un petit feu de veillée éclaire des amateurs de chants brésiliens. Le camp s’endort au son des guitares sèches et des aboiements.

9 h 30

Chaque matin, les représentants des sept quartiers du CAC se réunissent sous une tente berbère pour régler la vie du camp. Ici on pratique l’autogestion, et les règles communes sont décidées au consensus - tous ceux qui sont d’accord secouent les mains en l’air. Certains sujets provoquent des blocages (la présence d’une journaliste sur le camp par exemple) et des facilitateurs, des scribes, voire des «veilleurs d’émotion» prennent garde à ce que chacun puisse s’exprimer et inventer des sorties de crise. Chacun met la main à la pâte, corvée de pluches dans toutes les cuisines.

12 h 30

Déjeuner, prix libre. Je me camoufle sous mon poncho imperméable. J’ai rendez-vous avec Xavier Renou, instigateur des stages de désobéissance civile en France, pour un déjeuner au sein du camp. Le CAC s’autofinance à 100 % ce qui implique que chacun participe aux repas et au camping, à hauteur de ses moyens. Je glisse un billet de 5 euros pour une assiette végétalienne de carottes râpées au fenouil et de haricots noirs aux légumes. Le pain, cuit sur place par la boulangerie nomade, est délicieux. Les aliments d’origine animale sont proscrit (parce que les élevages industriels sont responsable d’émissions de CO2). Pourtant, j’en ai vu planquer du fromage de vache entre deux tranches de pain.

14 heures

Départ de la vélorution (défilé festif à vélo) sous les trombes d’eau pour rejoindre Nantes, à 20 km du campement. La Brigade activiste des clowns est sur place pour simuler l’inauguration d’un hypothétique aéroport de Nantes. Ce type d’action fait partie du florilège de formes - ludique ou musclée, légale ou non - qu’ils expérimentent. Xavier me raconte certaines des actions plus remarquables qui se préparent pour demain, point d’orgue de ce camp. Je ne peux rien divulguer à moins de me faire jeter. «C’est un camp activiste car la plupart d’entre nous ne croient plus à la logique institutionnelle, explique Xavier entre deux coups de fourchette. Nous nous formons à l’action pour créer un rapport de force. Il y a urgence et nous pensons tous que nous devons développer de nouvelles formes de vie et de militantisme.»

Reportage chez les néo-activistes
Les Désobéissants : l'art de militer en dix leçons

Brigade des Clowns, Déboulonneurs, Clan des néons. L'activisme a pris ces dernières années une apparence sympathique propre à séduire les médias. Les nouveaux militants sont-ils pour autant devenus des rigolos ? Fluctuat est allé assister à un stage de désobéissance civile organisé par les "Désobéissants", à Strasbourg, où les apprentis contestataires se nourrissent à l'expertise militante et aux débats stratégiques.

Illrich, banlieue de Strasbourg. Les coups de flashball du Sommet des 3 et 4 avril de l’OTAN résonnent encore dans les têtes. Xavier Renou, fondateur des Désobéissants, et son apprenti formateur Baptiste sont invités par de jeunes militants alsaciens à transmettre les mille et unes leçons de l’action directe non-violente. Et oui, militer aujourd’hui n’a rien d’une partie de plaisir : "Résister c’est créer", ne croit pas si bien dire Miguel Benasayag, un des maîtres à penser de l’activisme non-violent. La routine militante a vécue. Société de communication oblige.

Désobéir, c’est bien. Devant les caméras et avec le sourire, c’est mieux. Faucher des champs d’OGM, s’attacher à un camion, bloquer un train qui transporte des déchets nucléaires en coinçant ses bras sous les rails… Tels sont les scénarios médiatiques testés dans les stages de désobéissance civile avant d’être appliqués en grandeur nature. Alors, humour et activisme font bon ménage, certes, mais il ne faut pas en abuser, nous rappelle Xavier Renou dans la gare en partance pour l'Alsace.

Robocop vs ange gardien

Durant l’atelier média et les jeux de rôle CRS-militants, les étudiants es-désobéissance aiguisent leur regard de scénariste. Enthousiaste, Perle se verrait bien poursuivre avec un des stages de clownactivisme organisé par les Désobéissants, elle qui se déguise déjà en clown dans les hôpitaux ; Baptiste lui est tenté par celui d’escalade militante. Mais les étudiants ne sont pas là que pour la communication militante, ils veulent aussi connaître leurs droits et débattre des modes d'activisme, devenir experts. Dans la séance méthodologique de l'après-midi, Xavier et Baptiste récitent alors la Bible de l’activisme efficace, celui qui sait éviter les risques inutiles et les grosses amendes.

Tout est dans l'équipe. Quand les "activistes" seront attachés au camion, les "anges gardiens" les appuieront, tandis que "les médiateurs" assureront la cohésion de l’équipe et que "les coordinateurs" gèreront le tout. Sans compter les "portes paroles", les "contacts juridiques" et le "contact presse".

Pour faire fonctionner cet attelage, insiste le formateur, il est très important d’aller tous boire un coup à la fin de l’action et/ou d’aller soutenir les copains envoyés en garde à vue. Car, au cas où l’affaire Coupat ou la loi sur les bandes ne suffiraient pas à leur rappeler, désobéir est de plus en plus risqué juridiquement. Ou physiquement. Le stage prépare les militants à ces deux dangers : physiques et moraux.

Storytelling ou guérilla ?

Passé par Greenpeace, Xavier Renou a vécu les dérives de l’ONG adepte du marketing vert et des grands coups médiatiques. Jouer le jeu des médias, d’accord, mais à contre cœur. Derrière le storytelling des Désobéissants se terre une stratégie de guerre médiatique, le "hit and run" né de la guérilla : scruter la faille de l’adversaire, y frapper un grand coup, se replier, puis recommencer...

Le bon cliché doit symboliser la justesse de la cause et passer les adversaires pour les vrais dangers aux yeux de l’opinion publique. Cas exemplaire de coup de poing médiatique, le PDG de Numéricable qui renverse un gréviste et lui cause une triple fracture, le tout filmé par les Désos. Loin de former des utopistes naïfs, le stage enseigne aussi que la désobéissance civile a un coût. Pour avoir aspergé Hubert Védrine de faux sang, Xavier Renou paiera une amende de plusieurs milliers d’euros... Le coût de l’illégalité. [Note des désos : l'affaire passe en appel en octobre prochain]

Mais pour les militants en herbe, la cause, de la décroissance au droit au logement en passant par la lutte contre la pollution visuelle, ça n’a pas de prix. Après avoir bûché leur méthodologie pendant les vacances scolaires, ils n’ont qu’une hâte : passer à l’acte. A Xavier Darcos qui refusait pendant les grèves universitaires de délivrer des doctorats en blocage, les Désobéissants répondent par un large sourire de clown... Et de façade.
Emmanuel Haddad - Fluctuat.net

La désobéissance civile, ça s’apprend


Action pacifique des Désobéissants lors du Sommet de l'OTAN à Strasbourg, le 4 avril - (capture d'écran)

France Info - 1er Juillet 2009 - La manifestation de rue, ça ne suffit plus. Il faut désormais lutter autrement. C’est le discours des Désobéissants. Ce collectif créé il y a deux ans propose régulièrement des stages de formation aux salariés en colère. Le but : imaginer de nouvelles formes d’action non violentes pour faire plier les patrons. Dernier stage en date, la semaine dernière à Paris avec les syndicalistes de Sud Rail Saint Lazare. Ils avaient beaucoup fait parler d’eux en bloquant la gare à plusieurs reprises en janvier...

Ils étaient une vingtaine de militants Sud Rail, dont beaucoup de jeunes, à suivre ce stage la semaine dernière : deux jours dans les locaux du syndicat dans le 17ème arrondissement de Paris. Un stage mené par l’énergique Xavier Renou, porte-parole des Désobéissants.

Au menu du stage, de la théorie et beaucoup de pratique. Les Désobéissants proposent par exemple aux stagiaires de simuler la séquestration d’un patron. Un jeu de rôle grandeur nature. Xavier Renou endosse le rôle du patron, les stagiaires jouent les négociateurs, d’autres les activistes enchaînés pour bloquer l’accès au bâtiment et d’autres encore les policiers.


Le reportage de Anne Lamotte (4mn 24)

Une formation que Dominique Malvaux, un des fondateurs de Sud Rail, juge nécessaire : "Le syndicat se renouvelle. Beaucoup d’anciens militants partent et laissent la place aux jeunes, des jeunes parfois prêts à en découdre". Ce qui n’est pas forcément efficace. L’objectif du stage, c’est justement de canaliser l’énergie ou la violence des militants.

"On est dans le conflit préparé, organisé, maitrisé. Pas dans la violence". C’est ce que martèle Xavier Renou pendant le stage. Que ce soit devant la police, devant des usagers en colère, des patrons ou des journalistes, on ne s’énerve pas, répète t-il à ses stagiaires.

Inutile d’aller au clash, autant résister... pacifiquement. Les Désobéissants enseignent aux stagiaires les techniques de la tortue ou de la chenille, des techniques de chaînes humaines bien connues des militants pacifistes.

En dehors de la préparation d’une action, les stagiaires doivent aussi savoir comment se comporter en cas de garde à vue. Les techniques d’interrogatoires ont été décryptées par les Désobéissants, qui inculquent aux stagiaires les risques judiciaires encourus et les droits dont ils disposent.

2.000 personnes ont déjà été formées au cours de 80 stages animés par les Désobéissants. Appliqueront-ils sur le terrain ce qu’on leur a enseigné ? Réponse au prochain conflit social...

Anne Lamotte, Anne Jocteur Monrozier

Action de blocage des désobéissants au contre-sommet de l'Otan


Emission Global Resistance du 19 mai 2009 sur France 4


OTAN 09 : Action des désobéissants avenue de la paix Video de LeCheneLibre


Sommet contre l'OTAN Extrait du JT Alsace du 4 avril 2009 - Video de DESOBEIR

La désobéissance civile gagne du terrain


Les désobéissants au 20h - 1er avril 2009 - Video envoyée par DESOBEIR

Militants politiques et activistes à l'assaut des syndicats

Par Rue89 26/03/2009 - Alors que les mobilisations s'amplifient, le NPA ou les Désobéissants tentent d'en tirer profit au détriment des syndicats.

Les noms d'oiseaux s'étalent dans les médias depuis la mi-mars, mais l'opposition est larvée depuis plusieurs mois. Déjà accusés de surfer sur les peurs par leurs adversaires politiques, les militants du NPA sont taxés de « rapaces » par le leader de la CFDT, François Chérèque, en référence à la présence de plus en fréquente desdits militants dans les entreprises en proie à des conflits sociaux.

Réponse immédiate d'Olivier Besancenot, chef de file du Nouveau parti anticapitaliste : « Il ferait bien de se reprendre. Ce n'est pas très digne et puis c'est curieux au début d'une semaine sociale où, théoriquement, on voudrait l'unité la plus large. »

(...)

« La désobéissance, c'est un bien joli mot »

Si Olivier Besancenot irrite une partie du paysage syndical, les militants de l'extrême gauche ne sont pas seuls à occuper le terrain des luttes sociales. Depuis peu, un autre acteur s'y est mis : le collectif des Désobéissants, dont Rue89 a parlé à plusieurs reprises, notamment au sujet des stages qu'ils proposent ou encore quand Xavier Renou, leur leader, médiatisait le conflit chez l'opérateur Numéricable.

Excepté le combat de Génération précaire et la grève des chômeurs, c'était le tout premier conflit social pour les Désobéissants. Jusque-là, ce collectif -qui n'a aucune existence juridique pour éviter les poursuites- construisait sa réputation sur un activisme tous azimuts (les expulsions, le nucléaire, le Rwanda...) qui lui valait déjà pas mal de critiques du côté des associations.

L'intervention de Xavier Renou auprès des salariés de Numéricable est en fait le fruit du hasard. En février, il tombe, place de la République, à Paris, sur une vingtaine d'employés en colère qui bombardent la vitrine de la boutique Numéricable d'œufs et de farine. Son nom ne leur dit rien, il laisse quand même ses coordonnées. Rien pendant dix jours. Puis il passe à Canal + et reçoit un appel dans la foulée -l'anecdote semble encore jubilatoire pour lui.

A Numéricable, il convainc les grévistes de lâcher les œufs et la farine : « C'est sale et donc mauvais pour l'image de la mobilisation. » Suivra l'occupation du siège, jusqu'à faire asseoir direction et syndicats autour d'une table, là où la CGT se plaignait de n'être plus reçue depuis des mois.

Les Désobéissants ont donné du nerf à un mouvement désorganisé. Eux qui prônent « la réémergence des formes d'action radicale » et se targuent de n'être pas « un groupe de plus au service de ses propres intérêts » avouent un brin de crispation côté syndical.

Laurence Pasquier, cégétiste chez Numéricable, reconnaît qu'elle était sceptique. Mais se félicite quand même : « Alors que je n'arrivais pas à médiatiser, ils m'ont aidée. » Sa position n'est pas un cas à part, mais les militants de base reçoivent mieux ce nouvel acteur que les états-majors. De Xavier Renou, Mourad Rabhi, secrétaire confédéral du même syndicat, dit plutôt :

«Je ne l'ai vu que dans les journaux, jamais sur le terrain, c'est bien que ça ne doit pas trop marcher, leur truc. La désobéissance, c'est un bien joli mot, mais ça ne marche pas du tout comme ça dans les usines.»

Xavier Renou affirme qu'il interviendra surtout là où le paysage syndical s'étiole. Mourad Rabhi n'a pas le même thermomètre :

« Certes, dans ma fédération textile, le taux de syndicalisation est de 9%, mais ce n'est pas comme ça qu'il faut compter. Hormis leur conviction, quel intérêt aujourd'hui pour les gens de se syndiquer ? Mais, en cas de conflit, tout le monde se range derrière les organisations syndicales. Pas derrière un collectif qu'on ne voit jamais. »

« Une absence d'organisation syndicale digne de ce nom »

A l'Unsa Education, on regarde les Désobéissants avec méfiance. Dominique Thoby, déléguée nationale aux revendications, réplique sur le terrain de la portée idéologique :

« Je sais que des collègues ont des contacts localement et je ne nie pas leur efficacité. Mais cet émiettement de la lutte est dangereux. Nous pronons bien la désobéissance même si nous sommes réformistes, mais il s'agit d'une consigne syndicale, collective. A côté, nous défendons les collègues auprès de l'administration, là où les collectifs tendent à les isoler. C'est alléchant médiatiquement, mais il ne suffit pas de dire “roulez jeunesse” et de taper du poing sur la table. »

Côté bagage idéologique, Xavier Renou précise que « [son] cœur va à SUD ». Mais, lui qui ne travaille plus depuis trois ans, lâche qu'il n'a adhéré qu'une seule fois à un syndicat : à la CFDT, chez Greenpeace. Il fait aujourd'hui celui qui en rougit :

« Je m'en veux encore, c'est un peu une tâche sur mon CV, mais j'étais à Greenpeace, les choses tournaient mal et un copain plus au fait de la question syndicale avait décidé de créer une section. »

Stratégique, il ne ferme pas la porte aux autres centrales pour autant et confie avoir de bons contacts avec une représentante nationale de la CFDT qui serait à deux doigts de lui commander un stage sur mesure pour apprendre à ses troupes à se mobiliser. Il attend d'autres commandes de SUD-Rail et SUD-Education, « même si ça traine ».

De fait, l'accueil est bien meilleur chez SUD-Solidaires, où l'on dit regarder les Désobéisants « d'un œil plein de sympathie ». Eric Beynel :

« C'est aussi parce qu'il y a une absence d'organisation syndicale digne de ce nom à un endroit qu'ils s'imposent comme un outil positif. Nous travaillons bien depuis très longtemps avec les faucheurs volontaires... Je ne vois pas le problème à ce que le cadre d'une lutte ne soit pas que syndical. Ils apportent une expertise nouvelle, alors qu'on constate qu'il y a de plus en plus de violences en marge des manifestations. »

Jeudi dernier, Xavier Renou manifestait. « A titre individuel. »

Chloé Leprince et Julien Martin

Note des désobéissants : article intéressant, même si c'est encore un peu trop personnifié...

Portrait : Xavier Renou, chef des désobéissants

LE MONDE 25.02.09

Parcours

1973
Naissance à Caen (Calvados).

1994
Diplômé de Sciences Po Paris.

1998
Part en coopération en Afrique du Sud et enseigne à l'université du Cap.

2005
Chargé de la campagne contre la relance nucléaire, à Greenpeace.

2005
Publication de "Privatisation de la violence" (éditions Agone).

2006
Lancement du "Manifeste des Désobéissants".

2009
Organise, le 12 février, une opération coup de poing au siège de Numéricâble, pour soutenir des salariés licenciés.

Les manifestations République-Bastille-Nation, il n'en veut plus. Le militantisme "plan-plan" non plus. Lui, c'est l'action directe et non violente qu'il préfère. Xavier Renou a débarqué dans la galaxie écolo et altermondialiste comme un ovni. Toujours décalé et inventif. Ses manières charmeuses ont fait le reste.

Depuis deux ans, on a vu cet apôtre de la désobéissance civile un peu partout où la contestation du système s'active. En avril 2008, lors du passage de la flamme olympique à Paris, pour protester contre la participation aux Jeux de Pékin ; au Salon de l'automobile, lors de la visite de Nicolas Sarkozy, pour dénoncer la pollution automobile. Il est alors traité par le président de la République d'"agité du bocal". Xavier Renou est également un assidu des actions antipub, de celles de Jeudi noir pour dénoncer la pénurie de logements à Paris.

Il le revendique, cet aspect vibrion. "Les moyens traditionnels s'épuisent. Pour redonner du plaisir à la politique, il faut théâtraliser les luttes et pousser à leur convergence", avance ce trentenaire. Refus des cadres militants traditionnels et, surtout, volonté de frapper les esprits sont ses seules lignes de conduite.

Des organisations politiques, il a pourtant un peu tout essayé : le PCF de loin, puis le trotskisme par les livres au lycée, l'anarchisme un peu, jusqu'à se retrouver dans un groupe libertaire antifasciste, Scalp-Reflex. Le petit provincial, fils unique d'une famille modeste de Caen, est alors étudiant à Sciences Po Paris, un peu perdu au milieu de la fine fleur de la bourgeoisie parisienne. Les parents, elle secrétaire, lui employé de banque, sont gentiment socialistes. "J'avais l'impression d'être un extraterrestre dans cette école où on apprend à gérer le système", se souvient ce grand jeune homme au crâne précocement dégarni. Il s'adapte, épouse les comportements et se dissimule, milite en douce à l'UNEF et côtoie les autonomes à l'ultragauche, parce que le Front national lui fait "très peur". Mais là encore, il ne se sent pas à sa place avec son "bomber et (ses) rangers". Il préfère animer une émission sur Radio libertaire et s'inscrit à la faculté d'Assas, où il organise des initiatives antifascistes et entame un travail de recherche sur le GUD, mouvement étudiant radical d'extrême droite. "Il était assez atypique dans notre mouvance", se souvient Eric Wash, militant du Scalp.

Lassé du "petit ghetto radical", il part en coopération et obtient un poste d'enseignant à l'université du Cap, en Afrique du Sud. C'est l'époque de la découverte de la force de l'ANC, de l'engouement pour un pays qui sort de l'apartheid. Quand il évoque ces "années heureuses", son regard devient mobile et, lui, très bavard : "C'était passionnant d'être en contact avec l'élite noire", dit-il. Il a tellement aimé "être utile au Sud" dans "un de ces pays que l'on pille", qu'il part en mission humanitaire en Algérie pour un an. Puis enchaîne des boulots d'intello précaire et finit par lâcher sa thèse. Tout ça lui paraît trop fade.

En 2005, Greenpeace l'embauche comme chargé de campagne contre le nucléaire militaire. Xavier Renou pense, enfin, tenir sa chance et montrer en quoi la politique peut être différente. Avec les réseaux antinucléaires, il lance sa première opération d'"inspection citoyenne" dans le centre d'essais des Landes : une trentaine d'activistes se font arrêter devant les caméras. Mais ses méthodes ne plaisent guère dans l'association. "C'est son irresponsabilité que nous avons sanctionnée. Renou est un charlot qui s'active beaucoup et ne produit pas grand-chose", tacle Bruno Rebelle, ancien président de Greenpeace.

"Trop activiste", "trop brouillon". La critique revient souvent dans le petit milieu altermondialiste. Depuis qu'il a quitté l'association écologiste, le trublion a monté son propre réseau, Les Désobéissants. Un groupe à son image, non structuré, foncièrement "anti-orga", partisan de la non-violence, où l'on croise des nouveaux militants comme des chevronnés de l'écologie et de l'antimilitarisme. Il a lâché tout travail salarié. "J'ai pas envie de retourner au chagrin", dit-il. Le chagrin, c'est sa compagne qui s'en charge. Elle pourvoit aux besoins, lui se contente de quelques indemnités chômage.

Une nouvelle urgence lui mord la nuque : le "danger" représenté par l'accession de Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Il s'agit pour lui désormais de dénoncer sa politique sur tous les terrains par des actions coups d'éclat qui se préparent par SMS : un lieu, une cause, et l'équipe débarque au milieu d'une manif, d'un rassemblement, souvent avec des journalistes "embedded". Cet art du spontané, un peu décalé, que Xavier Renou cultive, fait grincer dans les réseaux militants. "Il récupère ce que font les autres et on a toujours l'impression qu'il est au centre", lâche Yannick Jadot, ex-directeur de campagne à Greenpeace. "Il roule tout seul comme un mercenaire de la désobéissance civile sans tenir compte des décisions collectives prises par les organisateurs", remarque Nicolas Haeringer, militant altermondialiste. Il a beau être charmeur, certains ne digèrent pas ses méthodes. "Il oublie un peu vite la finalité de l'action", remarque José Bové. "Il mélange toutes les causes avec des formes douteuses", renchérit Stéphane Lhomme, du réseau Sortir du nucléaire.

Son côté provocateur choque même parfois. Comme à Vichy, lors de la manifestation contre la politique d'immigration, en novembre 2008, où il est apparu déguisé en prisonnier de camp de concentration. Ou quand il a versé de la peinture rouge sur la tête d'Hubert Védrine pour stigmatiser le rôle de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda. "C'est vrai qu'il fait les choses à sa manière, joue avec les médias et n'a aucun tabou. Mais c'est aussi parce que les autres ne se bougent pas assez", rétorque Manuel Domergue, responsable de Jeudi noir. "Il croit en ce qu'il fait. Ce qui est important, c'est le résultat", insiste Serge Perrin, militant du Mouvement pour une alternatice non violente. Le jeune homme pressé lui sourit et avoue "vouloir être partout pour que ça change" et avoir parfois "du mal à dire non".

Ses méthodes séduisent de nombreux militants : son réseau s'est étoffé en deux ans pour compter 4 000 contacts déclarés. Les stages de désobéissance civile qu'il organise touchent de plus en plus de monde : syndicalistes de SUD ou de la Confédération paysanne, militants du Réseau éducation sans frontières ou d'Amnesty International. Xavier Renou tisse sa toile et construit sa notoriété. Il fait désormais partie des habitués des vidéos de Dailymotion et a été invité à deux reprises sur France Info par un David Abiker séduit par sa gouaille. La rappeuse Keny Arkana a mixé sa voix sautillante dans son dernier album. Et il scande un des textes sur celui d'Enhancer. Encore un moyen de "jeter des ponts et ne pas rester spectateur", dit-il.

Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 26.02.09.

Note des désobéissants : il n'y a pas de "chef" chez les désobéissants, cet article ne nous représente pas vraiment... une personnification qu'on peut regretter et une recherche de la critique un peu excessive.

Numericable face à de nouvelles formes d'action sociale

[03/03/09 Les Echos] Appuyant des salariés grévistes, un collectif altermondialiste, extérieur à l'entreprise, coordonne des actions d'occupation des lieux et de relais médiatique de l'affaire. Un mouvement auquel tentent de s'opposer direction et syndicats.

Depuis novembre, le câblo-opérateur Numericable - qui emploie 2.000 collaborateurs - est confronté à un conflit violent, opposant la direction à une vingtaine de vendeurs à domicile. Ces derniers dénoncent la mise en place d'une nouvelle politique de rémunération et contestent le licenciement d'une dizaine d'entre eux, pour faute grave. Au-delà du conflit, la situation est inédite. Et laisse présager de nouvelles formes de revendications sociales au sein des sociétés. Les grévistes sont en effet soutenus par un collectif altermondialiste, baptisé Les Désobéissants. Jusqu'ici spécialisé dans l'occupation de sites nucléaires ou publics, ce mouvement, qui revendique 5.000 sympathisants, intervient pour la première fois dans les affaires internes d'une entreprise.

« Répondre aux interrogations »

Mettant à disposition des grévistes une vingtaine de bénévoles, il apporte son professionnalisme : diffusion rapide d'articles et de vidéos sur Internet, contacts auprès de médias pour relayer l'affaire, gestion de l'occupation des locaux de l'entreprise... Formés par le biais de stages tout au long de l'année, ses membres se veulent pacifistes, mais déterminés. « Nous revendiquons un syndicalisme de combat, qui s'est malheureusement perdu aujourd'hui. Pour obtenir des avancées, il faut des actions directes, radicales », note Xavier Renou, porte-parole du collectif, qui annonce sa ferme intention d'intervenir dans d'autres entreprises.

Une critique directe des syndicats traditionnels, accusés de ne pas aller assez loin pour défendre les salariés. Ce que dénoncent les intéressés, CFDT et FO. « On protège les salariés, mais pas par de telles méthodes », note l'un d'eux. Les organisations syndicales dénoncent notamment l'absence de représentativité du collectif altermondialiste, ainsi que la tournure prise par le mouvement de grève. En janvier, deux salariés ont porté plainte, après avoir été, selon eux, agressés par des salariés grévistes qui souhaitaient les empêcher de travailler. Puis, le 19 février, alors que les grévistes occupaient le siège de Numericable à Champs-sur-Marne, la voiture transportant le PDG, Pierre Danon, a percuté un salarié gréviste, ajoutant au conflit une dose de tension supplémentaire. Il faudra finalement attendre le 20 février pour qu'un médiateur externe soit désigné, chargé de réunir les différentes parties autour de la table.

Côté direction, on qualifie ce groupuscule de « voyous » et d'« extrémistes ». Quelque peu démunie face à ce type d'actions soudaines, la société s'efforce de préserver son image, en externe et en interne. « L'enjeu, dans ces moments de crise, c'est de répondre aux interrogations des collaborateurs. Si la réponse tarde à venir, cela peut provoquer d'importants dégâts sur l'adhésion générale », rappelle Thierry Libaert, spécialiste de la communication de crise.

L'agence Vae Solis, qui gère la communication de Numericable, a ainsi envoyé une cinquantaine de communiqués aux médias relayant le conflit social. « Il a fallu rectifier nombre d'erreurs, voire de propos diffamatoires », note Antoine Boulay, directeur associé de Vae Solis. Ainsi a-t-on pu lire, sur plusieurs portails, dont Yahoo!, ce raccourci évocateur : « Le patron de Numericable écrase un gréviste et s'enfuit. » De quoi discréditer la direction aux yeux de ses équipes comme de ses consommateurs.

En interne, les salariés ont reçu chaque jour un e-mail explicatif de la direction. De même, des visioconférences et téléconférences ont été proposées aux salariés souhaitant être informés. « Nous nous sommes basés sur les faits, décrivant l'évolution de la situation et expliquant notre souci de préserver la sécurité du personnel », note Antoine Boulay. Ainsi, la société a fait appel à une agence de sécurité privée pour assurer la sécurité des collaborateurs et prévenir toute initiative des grévistes. Cela suffira-t-il ? La crise semble surtout révéler un malaise de la population commerciale. Début février, le comité d'entreprise lançait un droit d'alerte, s'inquiétant de « l'endettement lourd de l'entreprise » et des « sous-effectifs chroniques générateurs de suractivité et de non-qualité de services ». Pour Pierre Danon, arrivé l'été dernier, le chantier s'annonce complexe...
MAXIME AMIOT, Les Echos

Numéricable : le parquet classe l’affaire

Le conducteur de la voiture transportant le PDG de Numericable qui a renversé un manifestant le 16 février à Champs-sur-Marne ne sera pas poursuivi.

Le Parisien - Gilles Cordillot 14.03.2009

Alors que les vendeurs à domicile de Numericable entament leur troisième mois de grève, ils viennent d’apprendre le classement sans suite de la plainte déposée par leur collègue Patrick Bérol. Toujours hospitalisé dans une clinique de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), ce gréviste avait eu une jambe écrasée, le 16 février , par le véhicule transportant le PDG de Numericable, Pierre Danon.
L’accident avait eu lieu au siège de la société à Champs-sur-Marne.
«L’examen de cette affaire n’a pas permis de caractériser suffisamment l’infraction pour permettre d’engager la responsabilité pénale du ou des mis en cause… » C’est la teneur du courrier en date du 5 mars reçu par la victime, qui se dit profondément choquée, à la suite de sa plainte pour agression volontaire, délit de fuite et non-assistance à personne en danger déposée contre un cadre qui servait ce jour-là de chauffeur au PDG.

« Le délit de fuite n’est pas caractérisé »

Le conducteur ne s’était pas arrêté pour porter secours au blessé et la voiture avec les deux hommes à bord avait quitté l’enceinte de Numericable. Ce n’est que tard dans la soirée que Pierre Danon s’était rendu au commissariat de police de Noisiel pour y être entendu. La direction du câblo-opérateur assurera plus tard qu’aucun des deux hommes ne s’était aperçu que leur voiture avait causé un blessé.
Selon Jean-Louis Boyet, le procureur adjoint qui a classé l’affaire, « le conducteur n’a pas fait exprès de passer sur la jambe du gréviste. » « Le délit de fuite n’est pas caractérisé car tout le monde savait qui était dans la voiture et que ces personnes quittaient le siège, poursuit le magistrat. Quant à la non-assistance à personne en danger, elle ne tient pas car il y avait du monde autour du blessé pour lui venir en aide. »
Xavier Renou, membre du collectif altermondialiste les Désobéissants, qui a assisté à la scène se déclare scandalisé. « Nous ne sommes pas à égalité devant la justice. Patrick va redéposer plainte, mais cette fois au tribunal de grande instance de Meaux avec constitution de partie civile. Et si les voies judiciaires ne permettent toujours pas d’obtenir que justice soit faite, alors nous aurons recours à des actions non violentes pour parvenir à nos fins. »
« Je ne me sens plus français… Quand tout cela sera terminé, je vais essayer de changer de nationalité », lâche Patrick Bérol depuis son lit d’hôpital.
Daniel Guillaume, premier adjoint au maire de Champs-sur-Marne, annonce que Maud Tallet, la maire PC, s’apprête à intervenir auprès du procureur de la République à Meaux. « C’est un déni de justice », lâche l’élu.
« Nous dénonçons une justice de classes, poursuit-il. Il faut arrêter ça ! Quand nous avons reçu les représentants des grévistes en mairie, la question du juste traitement de cette affaire faisait partie des conditions pour que les vendeurs à domicile reprennent le travail. Nous sommes outrés ! »
La direction de Numericable réagit sobrement : « La décision a été prise. Nous en prenons acte. »

Un site occupé à Paris. Le conflit qui dure depuis deux mois, entre des vendeurs à domicile et la direction de Numericable, est dans l’impasse après le rejet, la semaine dernière, des propositions faites par cette dernière. Hier, des grévistes, salariés et anciens salariés, ont occupé les locaux du site de Paris XVe qui abrite les équipements techniques. Ces derniers permettent d’alimenter une partie de la capitale. La direction du câblo-opérateur a précisé que les salles où se trouve le centre névralgique n’ont pas été touchées.

 

Le PDG de Numéricable écrase un gréviste et s'enfuit


Radio Nova
Les Grandes Enquêtes de la petite Rédaction

5 épisodes, du 16 au 20 février 2009


Agence de désobéissance massive (ép.1) : "L'occupation"


Agence de désobéissance massive (ép.2) : "Mais y sont où les syndicats"


Agence de désobéissance massive (ép.3) : "L'art de la négociation"


Agence de désobéissance massive (ép.4): "Recruter des soutiens"


Agence de désobéissance massive (ép.5): "La contre com"

 

Le PDG de Numéricable écrase un gréviste et s'enfuit

Télé Coquelicot, 17 février 2009

Opération coup de poing des salariés Numéricable en grève

Télé Coquelicot, 12 février 2009

La désobéissance civile, action contre l'EPR et stage activiste


Les désobéissants dans le poste, le 25 janvier 2009 dans Dimanche+ (6mn)
Avec des petits bouts de clown-activisme dedans.

Une vidéo fort instructive quant à la banalité du risque atomique qui pèse en France sur la population.
Cette simulation d'accident nucléaire à Dieppe en cette fin d’année 2008, a sans doute contribué à l'abandon de l'idée d'un EPR en Haute-Normandie, tout du moins temporairement.
Mais au triste bénéfice probable de la centrale de Chooz dans les Ardennes! Nos moyens d'expression ne sont pas épuisés, d'autres actions viendront...

Les Désobéissants : réapprendre à désobéir !

Tours 16 décembre 2008 - C'est lors d'un stage de désobéissance civile que certains étaient invités à participer à un type d'exercices bien particuliers. Il s'agit de trouver d'autres modes de contestation que les habituels défilés dans la rue. Un bien étrange stage réservé aux plus de 18 ans, organisé par les Désobéissants.

De Tarnac à l’ultra gauche en passant par les émeutes grecques, est-ce le retour du péril jeune ?


David Abiker & les Infonautes : sur France Info le 12 Décembre 2008
avec Xavier Renou un des fondateurs des Désobéissants (6mn09)

Conférence Pas de crise pour le nucléaire militaire
Jean-Marie Collin a rappelé les dangers de l'armement.

Publié le 09/12/2008 LaDepeche.fr - Jean-Marie Collin, consultant indépendant sur la défense, est venu donner une conférence à Albi le 18 novembre sur le thème : « Les dangers de la prolifération nucléaire, quelles voies pour le désarmement ? ». Il a précisé que si le danger n'est pas médiatiquement relayé aujourd'hui, les armes nucléaires n'en restent pas moins la première menace de destruction de l'humanité. Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) stipule que les pays qui ne possèdent pas d'armement atomique doivent renoncer à l'acquérir et que ceux qui l'ont déjà doivent s'engager sur la voie du désarmement.

Pourtant les puissances nucléaires investissent toujours autant dans l'armement nucléaire, renforcent leurs arsenaux en qualité de frappe et de destruction. Elles violent donc le TNP qu'elles ont signé, incitant les pays qui ne possèdent pas cette arme à l'acquérir. Il a aussi signalé le danger du passage du nucléaire civil au nucléaire militaire.

Désarmer est-il possible ? L'Afrique du Sud, qui, dès 1970, avait démarré un programme nucléaire militaire, a démantelé son arsenal en 1990 après la chute du mur de Berlin. En 2007, Henri Kissinger, secrétaire d'Etat de Richard Nixon publiait un article : « Un monde sans arme nucléaire » : il y affirmait que s'appuyer aujourd'hui sur des armes nucléaires devenait de plus en plus dangereux et de moins en moins efficace.

J-M Collin a cité plusieurs initiatives : « Maires pour la paix opposés à l'armement nucléaire » (2410 villes dans le monde y adhèrent) ; les « Désobéissants » qui vont sur le site d'expérimentation du nouveau missile français « M51 » pour sensibiliser la population ; une campagne internationale pour abolir l'arme nucléaire, « I can » est en cours.

Il constate un consensus de plus en plus mou sur l'adhésion à l'armement nucléaire dans la population française, même si les deux partis UMP et PS ne remettent pas en cause l'arme atomique.

Désobéir.net ou la contestation non violente...

David Abiker, France Info - 12 novembre 2008 - InfoNet 12/11/08

Ecouter : Désobéir.net ou la contestation non violente... (2mn45)

Au moment on l’on craint une résurgence de la violence de d’extrême gauche, Rue89.com fait ce matin sa une sur les Désobéissants. Les désobéissant sont des militants d’extrême gauche, écologistes ou altermondialistes qui font de la désobéissance civile un art méthodique qui désoriente les forces de l’ordre et séduit les médias.

Consulter cette interview de Xavier Renou. Il parle comme un énarque, il est calme comme un infirmier psychiatrique, il a une gueule d’ange, et en plus il est pédagogue, c’est le formateur en chef des Désobéissants. Il en est à son 40e stage de formation à la désobéissance nous explique Rue89. Car désobéir dans les règles de l’art, ça s’apprend.

Has been la violence, dangereuse et pas vraiment médiatique. Alors si vous suivez un stage de désobéissance civile avec Xavier Renou, voilà ce que vous apprendrez.

D’abord, on vous enseignera comment occuper un lieu pacifiquement. S’asseoir par terre ou se laisser choir dès qu’une main policière vous effleure, se faire évacuer par les CRS sans énervement mais avec élégance. On vous apprendra aussi comment ne pas céder aux provocations policières, en gardant le sourire et surtout votre sang froid. Vous saurez être en empathie avec l’agriculteur dont vous venez de faucher le champ d’OGM. Vous ferez ami-ami avec l’ingénieur EDF dont vous occupez la centrale nucléaire. Vous apprendrez à causer aux médias en utilisant les formules des gentils pacifistes et pas celle des méchants répressifs. Et bien sûr, une fois au poste ; vous saurez comment noyer le poisson quand la Police vous interroge. Bref vous deviendrez un vrai désobéissant. Pour tout savoir consultez Rue89.com et désobéir.net.

Mais si jamais désobéir n’est pas dans votre tempérament, alors vous trouverez sur internet le dominateur ou la dominatrice qui saura vous dresser, il y en a plein les petites annonces. Et si c’est l’ordre qui vous branche alors vous taperez « autorité et leadership » dans google. Vous trouverez alors le stage de management qu’il vous faut. Il fera de vous le chef dont la société a besoin, contre les forces subversives, qui sapent les fondements bourgeois de l’organisation sociale.

Fiers d’être des désobéissants

Dans le cadre du forum social Octobre Verre, les organisateurs ont invité Xavier Renou, de l’association Les Désobéissants, militants de l’action directe non-violente. Le stage s’achève à Meisenthal aujourd’hui.

Ils sont une quinzaine. En majorité des jeunes, vacances de la Toussaint obligent. Tous militants, avides de connaître l’expérience de personnes rodées, à l’instar de Xavier Renou, membre du collectif Les Désobéissants. Créée voici deux ans par des membres de Greenpeace France qui ne comprenaient pas la décision de leurs pairs de ne plus se battre contre le désarmement nucléaire, la structure forme à cette lutte pas comme les autres. Son représentant a été invité par le collectif Octobre Verre, organisateur du forum social qui se déroule encore cette semaine à Meisenthal.

«En deux ans, on a fait 60 stages, formée plus de 1 000 personnes, mené une soixantaine d’actions tous azimuts », confie Xavier Renou. Les «agités» au Mondial de l’automobile contre les voitures dites écolos qui polluent toujours autant, c’étaient eux. « Il s’agit de convaincre les militants qu’il faut sortir de la pétition et de la manifestation. Ça marche peu, mal ou pas du tout. Il faut s’approprier l’action directe non violente : le blocage, l’occupation, aller là où se situe le problème. Par exemple, si une expulsion d’un sans-papier a lieu, aller sur place et tout faire pour l’éviter », détaille-t-il.
A l’instar d’un José Bové sur un champ de maïs génétiquement modifié… «On s’en prend à l’action sociale, pas à l’humain », nuance Xavier Renou. «Les Désobéissants forment et agissent, accompagnent les luttes des autres. Nous sommes un réseau d’entraide de militants », insiste-t-il.

Jeux de rôles

Il a exposé la méthodologie de l’organisation d’une action, avec des contacts presse et police, un médiateur pour éviter le danger des militants, les techniques d’une clé en double pour les menottes des militants enchaînés si jamais l’un d’entre eux la perd… Tout a été passé au crible, sans oublier la logistique et les risques juridiques.
Alice, 23 ans, de Strasbourg, est engagée dans le monde associatif. «Je suis sensible aux questions de genre. J’ai milité dans le syndicalisme universitaire sur les questions du sexisme, les orientations de l’enseignement supérieur, le CPE… Je m’intéresse aux différents types de militantismes. Et puis, dans ce genre de stage, on comprend qu’on n’est pas seul et ça fait du bien…», témoigne-t-elle.
Si les stagiaires ont expérimenté, sous forme de jeux de rôle, les techniques d’occupation non violente, ils ont également écouté le témoignage d’une militante de longue date, Nicole Roelens, de Stop Fessenheim, qui se bat pour l’arrêt de la centrale nucléaire alsacienne. Aujourd’hui, place au jeu de rôle grandeur nature, à un atelier juridique et sur le travail avec les médias. Car le militantisme doit pouvoir avoir un écho auprès du public. Pour convaincre…
Contact : www.desobeir.net
Le Républicain Lorrain - A. F.-S. - Publié le 30/10/2008

Vichy : des manifestants déguisés en déportés arrêtés

IMMIGRATION - NOUVELOBS.COM 03.11.2008 - Les quatre personnes interpellées portaient des uniformes rayés de prisonniers et des étoiles avec les inscriptions "Sans papiers" et "étrangers" afin de dénoncer la politique européenne d'immigration dans la ville où se tient une conférence européenne sur le sujet.

Des manifestants déguisés en prisonniers de camps de la Seconde guerre mondiale afin de dénoncer la politique européenne d'immigration ont été interpellés lundi à Vichy, où se tenait une conférence européenne controversée sur le sujet.
Quelque 80 manifestants réunis à l'appel du groupuscule altermondialiste "Les désobéissants" sont partis de la gare vers 15H30, avant d'être bloqués par un cordon de CRS une centaine de mètres plus loin.
Les quatre interpellés portaient des uniformes rayés de prisonniers et des étoiles avec les inscriptions "Sans papiers" et "étrangers", histoire de "faire l'amalgame" entre la période vichyste et l'époque actuelle.
Xavier Renou, à la tête du groupuscule, a expliqué, avant d'être interpellé, avoir "choisi de faire le rapport entre le dispositif de la fin des années 30 et les politiques actuelles de l'Europe en matière d'immigration", contrairement aux mots d'ordre de la grande manifestation "unitaire" de 18H00.

"Rafles, camps, déportation. L'Europe assassine"

"Nous dénonçons l'évolution inquiétante des politiques migratoires au niveau européen, qui nous rappellent les prémices des politiques qui ont mené à la déportation à la fin des années 30", a précisé Xavier Renou.
"Rafles, camps, déportation. L'Europe assassine", pouvait-on lire sur la banderole rouge déployée par les manifestants.
Les "désobéissants" comptaient rejoindre la grande manifestation, prévue en fin d'après-midi, lancée à l'appel d'un collectif rassemblant le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), la CGT, le PS, le Syndicat des avocats de France ou encore le Réseau éducation sans frontières (RESF).

Deux cars bloqués à Lyon

A Lyon, deux cars transportant une centaine de manifestants devant se rendre à la manifestation --qui devait commencer à 18H00--, sont restés bloqués pendant trois quarts d'heure en gare de Perrache en raison de contrôles d'identité.
Les deux cars sont finalement partis après une vingtaine de contrôles, avec 45 minutes de retard.
La troisième conférence ministérielle européenne sur l'intégration, qui intervient après l'adoption du Pacte européen sur l'immigration et l'asile lors du sommet de Bruxelles du 16 octobre, se tient lundi et mardi à Vichy.

Le contre-sommet de Vichy tiraillé entre autonomes et partis

Par Chloé Leprince - Rue89 03/11/2008 - Les opposants à la conférence européenne sur l'Intégration réunie par Brice Hortefeux ont manifesté en ordre dispersé.

(De Vichy) A Vichy, où se tient ce lundi et demain, mardi, la troisième conférence européenne sur l'Intégration, on tournait beaucoup en rond, sur le coup de 13 heures. En plein centre, les CRS (douze compagnies mobilisées plus des policiers en civil, des gendarmes et même trois hélicoptères) faisaient les 100 pas le long des barrières de "la zone rouge", où se tenait le sommet officiel.

Les journalistes, eux, récupéraient leurs accréditations sans grand entrain et pour cause: le choix de la ville a certes fait polémique compte tenu du sujet, mais l'enjeu pour l'Union européenne était plutôt mince. Brice Hortefeux a en effet obtenu le 16 octobre des Vingt-sept qu'ils votent le pacte européen sur l'immigration et l'asile.

Tandis que les ministres (essentiellement ceux de la Justice et de l'Intérieur) se retrouvaient aux côtés de Brice Hortefeux en zone classée haute sécurité (une journaliste se plaindra de ne "même pas pouvoir aller faire pipi sans carte de presse"), le contre-sommet commençait quant à lui à faire des ronds sur l'asphalte.

Jouer avec les médias... ou pas

Coiffé d'une double casquette, Xavier, qui appartient au collectif polymorphe Les désobéissants (que vous avez déjà croisés sur Rue89) et à l'association Les oiseaux migrateurs, avait décidé d'une "action symbolique et théâtralisée". Laquelle fut retardée: à peine arrivé en gare de Vichy, dans la matinée, l'activiste a été interpellé sur le quai par la police.

"Les consignes devaient être précises puisque je suis le seul à avoir été arrêté, ils ont fouillé méticuleusement entre mes slips et confisqué du matériel qui devait servir à notre action: pyjamas rayés pour évoquer les déportés, étoiles rouges à accrocher à la poitrine et cheveux récoltés parce que ce sont aussi des tests ADN."

Finalement, une deuxième voiture ayant amené du matériel, l'action a bien pu avoir lieu... mais pas avant moult discussions plus ou moins fluides avec les Autonomes, ces groupes anticapitalistes épars, parfois même hétéroclites, qui ont en commun de rejeter le système libéral... et de refuser de parler à la presse.

Or les Désobéissants, eux, sont dans l'hypermédiatisation, leur but à Vichy étant précisément de "se faire embarquer par les CRS pour disposer d'une image propre à faire le tour de tous les médias".

Après plusieurs chassés croisés (les autonomes descendant et remontant la rue qui débouchait sur la gare, tandis que la petite douzaine de Désobéissants s'était rapatriée dans un café face à plusieurs estafettes de police), les deux groupes ont fini par "travailler ensemble", quitte à faire grincer des dents ("Les clowns, ils ressemblent autant à des déportés dans leurs pyjamas que moi à Marylin!")

Désobéissants et autonomes se frottent aux CRS

Dernière descente de la gare et arrêt prolongé à quelques encablures de la zone rouge. Il n'est pas 15 heures et le but est d'aller au clash: les Désobéissants se frottent littéralement le dos aux pare-brises des CRS en faction devant des grillages qui bouclent la rue; deux très jeunes femmes parmi les Autonomes jouent des coudes et font mine de s'affaler sur les CRS.

On remonte, on descend, le tout sur quelques mètres, pas de consigne vraiment claire... et pour cause: à peine le temps de se retourner, et, mission accomplie, les Désobéissants ont été embarqués.

Chez les autonomes, on crie, on s'échauffe, on se contredit énormément aussi. "Hé, les gars, descendez, ne nous laissez pas seuls, c'est pas chacun sa gueule", appelle l'un, tandis qu'une quinzaine de CRS chargent dans une ruelle. A quelques mètres de là, une journaliste de l'AFP s'époumone dans son portable: "Les anarchistes sont pris au piège dans une souricière."

Ambiance électrique avec les médias, y compris pour Rue89 jusqu'à ce que des riverains reconnaissent le logo sur le pied de la caméra et acceptent de parler (vous les retrouverez demain dans une galerie de portraits consacrée à la France anti-Hortefeux).

Tous ne viennent pas de France: parmi la soixantaine d'autonomes dans Vichy lundi après-midi, une trentaine venait de Belgique. Les autres s'étaient agrégés par très petits groupes, deux ou trois voitures de Rennes, quelques voyageurs en train depuis la région parisienne.

Mais le compte n'y était pas en ce début de journée: à Moulins, un train bloqué. A Lyon, deux bus empêchés de circuler. Sur la route, une voiture de militants charentais se serait faite confisquer ses drapeaux. A Grenoble, le même bus de militants plutôt quinqua a été contrôlé trois fois avant même de partir.

Ces derniers sont arrivés in extremis pour la manifestation de 18 heures, prévue depuis plusieurs semaines par des militants plus institutionnels (partis, syndicats, RESF...). Au total, malgré pas mal de défections, une mobilisation un peu tardive du comité organisateur, et aussi un jour modérément mobilisateur (le lundi), les organisateurs estimaient avoir mobilisé 2500 personnes -"décevant", diront plusieurs.

Même si certains autonomes seraient bien retournés se frotter aux matraques avec le tapis de caoutchouc orangé qu'ils déplient sous les coups, ils ont du se contenter de crier "Pétain a oublié ses chiens". Un petit groupe d'autonomes faisait même partie du service d'ordre de la manif chapeautée par la gauche (PCF, Verts, PS) et RESF, lequel a justement cherché à éviter la zone rouge, sous les yeux d'ados vichyssois limite hilares.

Une commerçante garde les affaires d'un jeune autonome anticapitaliste

Beaucoup de fumigènes et une tension très palpable dans les rangs autonomes, mais pourtant pas d'intrusion, au final, sur le coup de 19 heures. Pas mal de kilomètres au compteur, par contre, à force de tourner dans Vichy. Les boutiques du centre avaient fermé en avance, y compris cette vendeuse de matériel de bureau qui avait accepté de garder dans son magasin le sac à dos et le blouson en jean d'un jeune autonome trop chargé.

Encore une bonne heure de marche plus loin, la soirée du contre-sommet était, elle, consacrée à un meeting qui devait donner la parole à des voix aussi disparates que Florimond Guimard, militant RESF, la députée européenne Catherine Guy-Quint ("Et nous avons aussi un député qui se promène", se vantera un militant socialiste), ou encore Francis Wurtz, du PCF.

Une galerie officielle des opposants malgré tout plus efflanquée que prévue puisque ni Malek Boutih, ni Noël Mamère, annoncés comme les deux people du contre-sommet, n'étaient arrivés à Vichy en fin de journée.

Les sans-papiers, quant à eux, se comptaient sur les doigts d'une main, même si deux Maliens de Paris, parmi les grévistes du secteur du bâtiment, s'étaient risqués jusqu'à Vichy, sous les couleurs de l'organisation Solidaires.


Vichy : portraits de cette France qui se bat contre Hortefeux
Sur le terrain - Par Chloé Leprince - Rue89 - 05/11/2008 - (extrait)

Xavier Renou, 35 ans, Désobéissant
Vous avez pu le voir, en pyjama rayé, depuis le sommet de Vichy: c'est la photo que de nombreux médias auront retenu pour incarner la fronde anti-Hortefeux. Xavier Renou et une demie-douzaine de militants s'étaient en effet déguisés en déportés, étoile rouge sur la poitrine et cheveux à la main pour dénoncer la politique actuelle de la France.
Après s'être délibérément heurtés aux CRS dans le cadre d'une action non-violente, ils ont été emmenés au poste pendant trois heures ("un débat super intéressant avec les flics", diront-ils en sortant du commissariat).
Militant associatif et activiste multi-casquettes (Les désobéissants, les "Oiseaux migrateurs", Sortir du nucléaire...), Xavier Renou ne lésine pas question rapprochements historiques: il compare volontiers le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale et le régime de Vichy.

«La désobéissance civile ne s'improvise pas»

Le Figaro 29/10/2008

INTERVIEW - Mercredi et jeudi, le «collectif des Désobéissants» organise en Moselle un stage de désobéissance civile. L'animateur du collectif, Xavier Renou, revient sur la philosophie et le programme de cette «formation» inhabituelle.

LE FIGARO - Qu'est-ce-que la désobéissance civile ?

XAVIER RENOU - C'est un moyen d'action directe non violente qui permet de se réapproprier l'action politique. On agit directement là où se pose le problème sans passer par des intermédiaires comme les élus. On sent un regain d'intérêt pour cette méthode car les moyens traditionnels de protestation ont moins d'impact que par le passé : les dirigeants sont devenus moins sensibles aux pétitions, aux manifestations… Or la désobéissance civile requière moins d'énergie et est plus efficace. Par exemple, il a suffi de 100 faucheurs volontaires, très actifs, pour arracher une grande partie des parcelles de maïs transgénique cultivées en France.

Comment est née l'idée du stage ?

Jusqu'en 2006, je travaillais pour Greenpeace. En novembre 2006, l'association a arrêté brusquement sa campagne contre la relance des armes nucléaires. Avec d'autres militants nous avons voulu continuer ce combat et nous avons fondé «le collectif des Désobéissants». Notre première action n'a pas été un succès, nous avons juste entraîné un retard du tir d'essai du missile nucléaire balistique M51 de 20 minutes. Nous avons réalisé qu'il fallait nous former à la désobéissance civile. Nous avons contacté des formateurs de Bombspotting, un groupe antimilitariste belge. Leur formation nous a appris que la désobéissance civile ne s'improvise pas et nous avons voulu transmettre les connaissances que nous avons acquises. Une formation est utile pour tous ceux qui se battent de manière non violente pour changer le monde. Ce stage, que le collectif organise tous les mois, réapprend à désobéir et permet aux participants d'éviter les bêtises, de meux s'organiser et d'aller plus vite dans leur lutte.

Quelles techniques apprend-on durant ces deux jours d'atelier ?

Le stage explique comment monter une action de A à Z. Un premier atelier (sur huit, ndlr) dresse le cadre philosophique de la désobéissance civile. On demande aux stagiaires de réfléchir à ce qu'est la violence. Quelle est leur limite ? Où commence la violence, avec l'insulte ? Lorsqu'on arrache du maïs sous les yeux de l'exploitant ? C'est important qu'ils se posent des questions, qu'ils se mettent d'accord avant la protestation sinon les tensions apparaîtront au mauvais moment et cela augmentera les risques de dérapage. On propose ensuite un jeu de rôle : une partie interprète des manifestants, l'autre des gendarmes. La confrontation entre les deux groupes apprend aux stagiaires à éliminer le potentiel de violence lorsqu'ils vont se retrouver, pour de vrai, face aux forces de l'ordre. On leur enseigne à dialoguer, à sourire, à utiliser une gestuelle «ouverte» et non menaçante comme maintenir ses paumes ouvertes au niveau des genoux.

Est-ce que les participants au stage constatent une amélioration de leur «performances» lorsqu'ils entreprennent, eux-mêmes, leur propre action ?

Les retours que nous avons sont positifs. Nos anciens stagiaires qui s'investissent dans des causes aussi diverses que l'écologie, les droits de l'homme ou le pacifisme, nous confient avoir eu un meilleur retentissement dans les médias, recruter plus facilement des nouveaux adhérents. Lors du stage, on leur indique toutes les étapes préparatoires d'une action réussie - mettre au point les transports, le budget-. On leur explique comment faciliter le travail des journalistes, comment se répartir les tâches entre militants : ceux qui vont faucher un champ OGM, le militant qui va contacter la presse, celui qui va endosser le rôle de porte-parole, celui qui va assurer la sécurité etc. On les instruit aussi sur ce qui se passe ensuite, sur les conséquences juridiques de leurs actes : comment réagir au moment de l'interpellation, comment se déroule un procès. Lorsqu'on pratique la désobéissance civile, on assume la «sanction», on ne se cache pas, on ne s'enfuit pas comme un délinquant.

Enseigner la désobéissance civile est-il légal ?

Nous n'avons reçu aucune plainte formelle. L'article 2 de la déclaration des droits de l'homme de 1789, qui fait partie de notre bloc de constitution, affirme le droit du citoyen à résister. Lorsqu'une loi est injuste, le citoyen est légitime à y désobéir. Par ailleurs, ce n'est pas nous, mais les stagiaires qui fixent les limites entre ce qu'ils considèrent comme un geste violent et une démarche non-violente. Toute action directe, en outre, ne relève pas systématiquement d'une rébellion contre la loi, parfois on agit pour réclamer à ce qu'un texte soit bien appliqué !

Quel regard portent les forces de l'ordre sur votre démarche ?

La police s'intéresse à ce que nous faisons et nous le fait savoir, mais nous n'avons pas eu d'ennuis. De temps en temps, on aperçoit des hélicoptères qui survolent le terrain de formation, des gendarmes rendent visite aux militants qui nous hébergent. Les RG dorment parfois près du lieu de stage, mais rien de plus.

Apprendre à désobéir : reportage sur la désobéissance civile

Un reportage de iTélé le 24 Octobre 2008, 9 minutes sur les déboulonneurs et les désobéissants.

 


Antinucléaires. Dans les coulisses d’une action


Samedi dernier, une quarantaine d’activistes, déguisés en clowns, ont pris d’assaut l’île Longue, la base des sous-marins nucléaires. Une opération qui de l’extérieur peut sembler loufoque et désorganisée, mais qui en fait ne s’improvise pas.

Depuis 2005, des militants antinucléaires profitent du festival du Bout du Monde, à Crozon, pour sensibiliser la population. Petite plongée dans les coulisses de ces opérations hyper organisées.

Ils ont fait d’une grange située à 3 km du festival leur QG. Et c’est dans la plus grande discrétion que la troupe militante a rejoint, vendredi dernier, ce lieu tenu secret. « Les voisins ne doivent pas se douter de ce qui se trame ici », explique Morgan, l’un des rares militants locaux. Les autres viennent de toute la France. Parmi eux, des plus ou moins jeunes, des plus ou moins expérimentés. Certains, comme Guillaume, ont fauché des champs d’OGM ou comme Sarah, barbouillés des panneaux publicitaires...

Des marginaux ? Pas vraiment. Ils sont travailleurs sociaux, chômeurs, ingénieurs, retraités..., et ne se connaissent pas forcément. C’est le bouche-à-oreille, via internet, qui les a réunis là, à Crozon (29), pour dénoncer « la relance par la France de l’arme nucléaire, ce qui est en contradiction avec le traité de non-prolifération », leur rappelle Xavier Renou, porte-parole du Réseau sortir du nucléaire. « Le blabla ne suffit plus. Il y a urgence à agir », explique l’un des activistes. Tous sont prêts à désobéir, quitte à se placer hors la loi. Pour cela, ils ont choisi l’action directe non-violente.

Un an de prison ferme et 15.000 € d’amende
C’est autour du petit-déjeuner samedi, alors qu’un hélicoptère survole leur campement, qu’ils valident ensemble, - il n’y a pas de chef -, une « attaque clown » de l’île Longue par mer et terre (Lire Le Télégramme de dimanche), la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins qui seront équipés en 2010 des nouveaux missiles nucléaires d’attaque M51. Avec les moyens du bord, les militants se préparent dans un esprit « colonie de vacances », sauf qu’ils s’apprêtent à mener une action pour laquelle ils risquent un an de prison ferme et 15.000 € d’amende !

Quelques recommandations sont donc de rigueur : ne pas oublier ses papiers d’identité pour éviter une longue attente au poste, éviter les gestes brusques qui alourdiraient la peine, sourire pour manifester sa non-violence et tenir son rôle pendant l’action pour plus d’efficacité. Les activistes, en première ligne, affrontent les policiers. Les « peacekeepers », en retrait, dialoguent avec les forces de l’ordre et la presse, les « anges gardiens » assistent les activistes, et les photographes capturent les images spectaculaires.

Un incident nucléaire
Malgré un manque d’entraînement, l’action se termine sans interpellation. Les activistes rejoignent alors le festival, où grâce à la complicité d’une bénévole ils font passer les tracts, autocollants et matériel nécessaire à l’organisation de l’élection de MissIle avant la grosse action du dimanche. Postés en amont du rond-point de Tal ar Groas, habillés en scientifiques et gendarmes, ils avertissent les automobilistes d’un incident nucléaire avant de les rassurer quelques mètres plus loin.

Là encore, ils peuvent se faire arrêter, pour délit d’entrave à la circulation et usurpations d’identités. À leur arrivée, à 15 h, les gendarmes sont déjà sur place. Depuis la veille, la troupe est suivie par les Renseignements généraux. Pas de quoi les inquiéter, ni leur faire renoncer à militer. Au moment de se quitter, ils ont tous la certitude de se retrouver rapidement pour de nouvelles actions.

Le Télégramme de Brest - 13 août 2008 - Gwénaëlle Loaëc

A lire aussi, en allemand : FreiRaum Aktionen, reportage sur les actions anti-nucléaires (pdf 648 Ko)

Occupation du toit du Comité Olympique


Des désobéissants pour le Tibet... le reportage de France Inter le 20 juin 2008 (1mn20)

L’An 08 / Les Désobéissants : Et si on faisait un pas de côté ?

Reportage sur un stage d’action directe non-violente organisé par le collectif des Désobéissants, passé sur Radio Grenouille (88.8 FM à Marseille et alentours) en mai 2008 (35mn40s, 32.6 Mo)

Militantisme - "Il est encore temps d'apprendre à désobéir"

Reportage - Lassés des manifestations inefficaces, des militants s'initient à l'action non violente pour mieux se faire entendre.
Amélie GAUTIER - le 30/04/2008 - LCI.fr

Mains sur les hanches, tablier noué autour de la taille, les deux grands-mères sur le bas côté ne savent trop quoi penser de ce soudain brouhaha qui vient troubler la quiétude de leur hameau, près d'Alès, aux pieds des Cévennes. Sous leurs yeux médusés, une dizaine de personnes accrochées les unes aux autres bloquent la petite route d'ordinaire si calme. "Non à la démolition, non aux expulsions", scande le barrage humain. "Vous avez intérêt à me laisser passer", éructe un ouvrier. "Voilà les CRS", hurle un autre homme. Que les mamies se rassurent. Point de manifestation dans leur patelin, seulement un exercice grandeur nature dans le cadre d'un stage de désobéissance civile.

Cette formation à l'action directe non violente est organisée par les Désobéissants, un collectif qui rassemble des militants de toutes les causes progressistes ou altermondialistes. Depuis fin 2006, pour 40 euros, il organise chaque mois un stage pour les perfectionner à la contestation. Les participants : une quarantaine de personnes, de 18 à 70 ans, habillées "à la cool", vêtements no logo, ils se disent militants ou simples citoyens.

Fatigués du "gueulophone"

Leur point commun : lutter pour que le monde soit plus juste socialement, plus vivable d'un point de vue environnemental. Ils sont ainsi révoltés par l'expulsion des enfants sans papiers, les OGM, le nucléaire, la mondialisation, les voitures qui polluent, la pub à outrance... Des marginaux ? Pas vraiment non. Ils sont enseignants, retraités, fonctionnaires, graphistes, chômeurs... Et, ils sont venus ici trouver les moyens de se faire entendre : lassés de distribuer des tracts "qui finissent directement à la poubelle", fatigués du "gueulophone", qui ne chamboule plus que leurs oreilles, frustrés de "voir que rien ne bouge". Il y a Virginie, une jolie brunette révoltée par tellement de choses mais qui ne sait plus comment agir ; Pierre, badge RESF épinglé à la veste en jean, persuadé "qu'à 70 ans, il est encore temps d'apprendre à désobéir" ou encore Bernard, mobilisé contre les OGM venu découvrir d'autres techniques que le fauchage de champs.

"Pendant deux jours, on va les convaincre de passer à des moyens d'actions, qui pour être strictement non violents, n'en sont pas moins plus radicaux, plus efficaces", explique Xavier Renou, l'un des organisateurs et ancien de Greenpeace. Parmi les modèles emblématiques de l'action pacifiste : Rosa Park, Martin Luther King, Gandhi... Forcément inspirée de l'esprit de Mai 68, la désobéissance civile est revenue sur le devant de la scène, en France, dans les années 1990 avec Bové et ses acolytes anti-OGM. Un des modèles du genre est celui du Direct action network à Seattle en 1999. Ce jour de décembre, des milliers d'activistes ont pu, grâce à une action concertée et bon enfant, empêcher la tenue de la séance d'ouverture de l'Organisation mondiale du commerce, sous le regard étonné du monde entier. Sans violence face aux escadrons déployés mais en s'enchaînant, en dansant, en faisant les clowns, etc. De quoi désarçonner les policiers au look futuriste, plus préparés à gérer le majeur dressé que le symbole du 'peace and love'.

"Les larmes du mec montrent qu'il est touché"

Première leçon : l'action non violente ne peut pas s'improviser. Tout au long du stage étalé sur deux jours, ateliers théoriques et exercices pratiques déclinent tous les aspects de l'action : sa conception, son application, ses couacs à envisager, ses possibles gardes à vue, ses éventuelles suites juridiques. Une action, même si les activistes l'estiment légitime, n'est pas forcément légale...

"Sentir" l'action proposée, c'est primordial pour tout militant. La juge-t-il violente ? Y participerait-il ? S'il y a consensus sur les violences physiques, le débat est autre quand on aborde la dimension psychologique. Un exercice permet à chacun de livrer son sentiment. Par exemple : "empêcher la construction d'un complexe hôtelier en allant saboter le tractopelle avec du sucre dans le réservoir", "faucher un champ d'OGM face à l'agriculteur qui vous supplie de ne pas le faire"... David estime ainsi que couper des pieds de maïs génétiquement modifiés face à un cultivateur en pleurs n'est pas violent "à partir du moment où ça n'atteint pas les gens physiquement" ; un autre juge également que c'est non violent "puisque de toute façon l'agriculteur sera indemnisé par les assurances". Cécile, elle trouve ça agressif : "Les larmes du mec montrent qu'il est touché et qu'il y a sans doute moyen de dialoguer avec lui".

"J'ai dû me retenir pour ne pas le défoncer"

La parole est encouragée. Expériences d'activistes, doutes de citoyens... Outre les ateliers, les pauses café ou les repas - bios et végétariens - sont aussi l'occasion pour chacun de raconter ses activités de militants, les confrontations tendues, ses idées d'action. Dans l'action non violente, le "on" est banni", le "je" est roi.

Les interventions sont rythmées par une gestuelle appropriée inspirée de la langue des sourds et muets. Et tout "désobéissant" qu'il soit, chacun doit lever le doigt pour prendre la parole. Finalité de cette écoute : arriver au consensus, crucial le jour J notamment afin de ne pas mettre en danger le reste du groupe et l'action menée en se rétractant au dernier moment. "On n'est pas des machines, il faut laisser passer ses émotions", répète Jean-Charles.

Elles peuvent être vives lors d'un face à face, avec les forces de l'ordre par exemple. Jouer une confrontation, rien de tel pour s'en rendre compte et apprendre ensuite à désamorcer la crise. A tour de rôle, les stagiaires endossent le rôle du CRS chargé d'embarquer ou de "gérer" des manifestants bourrés d'arguments. Ou comment apprendre à rester calme face à des situations tendues. Pas toujours évident. "J'étais dans la peau du CRS et j'ai pris conscience de ma propre violence. Je savais que j'étais légitime et j'ai dû me retenir pour ne pas défoncer le militant en face de moi!", raconte Sylvie, quinquagénaire au regard doux, sous les rires des autres stagiaires.

Du bon usage de l'antivol de moto

Autre atelier : mille et une astuces pour agacer le plus longtemps possible les forces de l'ordre lors des sit-ins. La méthode traditionnelle, c'est le blocage corporel. Il y a la technique du "poids mort", qui consiste à se laisser traîner pour mobiliser le plus de policiers possible ; celle de la "tortue", faite d'un enchevêtrement de bras, de jambes de militants, assis par terre. Et le 'must', la "couverture" de peinture fraîche. De quoi refroidir le policier qui sera chargé de laver son uniforme. Il y a aussi les accessoires : de l'antivol de moto aux menottes, idéal pour s'accrocher aux grilles d'une centrale nucléaire ou d'une préfecture. Les CRS n'ont pas toujours une cisaille, voire une meule de chirurgien dans leur arsenal. Aucun détail n'est oublié : il est ainsi recommandé de prévoir une position confortable et une couche pour les envies pressantes.

"Plus la police met du temps à vous déloger, plus les journalistes ont le temps de faire leur travail", répète à l'envi Xavier Renou tandis que les apprentis activistes testent tout l'attirail. C'est bon ça, ça fait de l'image !" L'image. Une action réussie doit être celle dont on parle dans les médias. D'ailleurs, il y a même un atelier pour apprendre à les gérer. L'auditoire est plutôt méfiant. "Ils ne sont pas forcément nos pires ennemis", les rassure le formateur. Et l'on apprend que "les journalistes sont des gens normaux et plutôt à gauche". "Beaucoup d'ailleurs sont archi précaires et cela les rapproche davantage de nous que les gros groupes industriels qui les dirigent", précise Xavier Renou. Et d'évoquer leurs contraintes, pas synonymes de complot mondial. "Parlez peu mais parlez bien, insiste le formateur. Bien évidemment, vous pouvez choisir de ne pas leur parler mais sachez que votre adversaire, lui, le fera..."

Quand le stage se termine, les participants se quittent sur un bref au revoir. Dans leurs regards, cette certitude : se retrouver rapidement sur le terrain pour une action. Une "pour de vrai" cette fois, avec sa cause à défendre, ses slogans, ses imprévus, et peut être même ses policiers et ses journalistes. Mais sans violence. Les deux grands-mères peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

Les désobéissants se groupent pour lutter joyeusement

21 août 2007 - Xavier Renou, porte-parole du collectif des Désobéissants, explique comment se former ensemble à l’action non-violente. Dans la foulée des Faucheurs volontaires, des clowns activistes, des luttes contre la déportation des sans-papiers, les Désobéissants travaillent, « dans le plaisir », à la convergence des luttes. Un reportage de reporterre.net (durée: 10'58")

Apprenez à désobéir !

Le Monde 06.10.07
Mercredi 10 h 30, parking du Parc des expositions de La Teste-de-Buch, en Gironde, entre le Jardiland et deux entreprises de fenêtres et volets en bois ou aluminium. Sur le bitume, des camions-écoles manoeuvrent au ralenti. Derrière, une demi-douzaine de tentes Quechua forment un village, surmontées du drapeau arc-en-ciel des pacifistes italiens. Une petite troupe est assise en cercle sur des chaises de jardin en plastique, près d'un bassin de décantation. Ils sont une vingtaine, contactés via le Net, à suivre le stage de désobéissance civile : durant trois jours, ils vont s'initier à l'action directe non violente.

Personne ne donne son nom de famille, personne ne pose trop de questions sur les parcours des autres : moins on en sait, moins on pourra en raconter en cas d'arrestation. Les "désobéissants" n'ont en commun qu'une conviction : il faut "retrouver le chemin des luttes". Pour deux raisons : l'urgence écologique et l'élection de Nicolas Sarkozy.

Ils ont tous repéré la voiture des RG stationnée à l'entrée du parc et l'hélicoptère qui effectue son ballet de surveillance. Pas question pourtant de plonger dans la paranoïa. S'opposer, ils savent. Ils ont l'expérience des luttes écolos, du fauchage d'OGM ou d'un collectif du Réseau d'éducation sans frontières. Mais les pétitions et les manifs "traditionnelles" les ennuient ; ils veulent "être plus efficaces" et "ludiques". Depuis décembre 2006, c'est le quatorzième stage organisé gratuitement par une poignée d'activistes regroupés sur le site Desobeir.net.

Chacun se présente, se lève, donne son prénom et un signe distinctif, rejoint par un autre qui se reconnaît dans cette description, puis donne la main à son voisin. Les stagiaires s'exécutent avec une joie enfantine. Xavier a déjà voté Chirac "à sa grande honte", Simon "a vécu à l'étranger", Sarah "aime bien l'escalade", Roselyne est "objecteur de croissance" parce qu'elle "aime la simplicité volontaire", Mireille n'"aime pas les grands discours", Prisca est faucheuse volontaire. Les tenues sont babas cool sans excès : jean délavé, caleçon à fleurs ou saroual, cheveux relevés chez les filles ; pulls noirs zippés ou sweats à capuche, crâne négligemment rasé ou catogan pour les garçons. Tous "no logo", évidemment.

Il est temps pour les animateurs - des bénévoles - d'aborder le processus d'apprentissage, où va se distiller l'esprit "impliquant" de la non-violence. Un axe est esquissé sur le sol avec abscisse et ordonnée : "violent"/"non violent", "je ferais"/"je ferais pas". Les activistes doivent se placer sur le diagramme en fonction de leur perception de l'acte décrit et de leur capacité à agir "en conscience" : faucher un champ d'OGM, faucher le même champ en présence de l'agriculteur, pénétrer une base militaire en coupant le grillage, séquestrer le patron d'une grande firme d'OGM...

"C'est violent de bousiller un champ sous les yeux de l'agriculteur, mais je le ferais quand même", remarque Patrice, 50 ans, paysagiste à Arcachon. Face à une base nucléaire, "faut bien se défendre avec ce qu'on a", assure Gwen, 18 ans, revenue d'une année passée en Irlande.

Retenir un PDG, "c'est une atteinte à la personne, mais, si on m'en démontre l'utilité, je le fais", continue Prisca. "Ça dépend du groupe, j'ai besoin d'avoir confiance", tempère Hélène, 25 ans, munie d'une maîtrise de français langue étrangère. Doucement émerge une conscience du risque, de l'utilité de l'action entreprise.

L'insulte gratuite comme moyen d'action rencontre moins de succès : "Tout le monde a le droit de travailler, même si je me vois pas bosser dans le nucléaire", estime Christophe, saisonnier dans les vignes de Lot-et-Garonne. "Tout dépend du poste occupé. Je le ferais pas contre un ouvrier payé au smic, mais si c'est un cadre qui sait que ce qu'il fait est potentiellement dangereux, alors...", ose, de sa voix grave, Mathieu, 25 ans, arboriste. "Pour moi, un mec qui dort dans la rue, c'est de la violence sociale qui m'agresse plus", tranche Simon, belle gueule de 21 ans, une licence de "socio" en poche.

16 HEURES.
La troupe s'essaie à divers jeux de rôle de confrontation avec les forces de l'ordre. Hésiter, se poser des questions face à un cordon de gendarmes mobiles, c'est sain et même encouragé. Chez les désobéissants, il n'y a pas de chef. "Faut pas s'engager dans une action pour plaire à un ami. La non-violence c'est une réflexion, une stratégie où il doit y avoir du plaisir, du bonheur", conseille Yannick, un père au foyer à la tête d'oiseau déplumé. Quand les CRS dispersent une manifestation, mieux vaut leur tomber dans les bras que "leur taper dessus", continue-t-il. "C'est plus efficace, le flic n'a pas l'habitude, ça le désarçonne !"

19 HEURES.
C'est l'heure du dîner, autour de longs tréteaux. Un groupe, essentiellement féminin, a préparé de grands saladiers de carottes et de choux râpés. Sous la bâche blanche, accrochés à une cordelette par des pinces à linge, les gobelets où chacun a écrit son prénom s'égouttent. On parle de Malcolm X, Mandela ou Jean-Marie Muller, philosophe français de la non-violence. Mais aussi de la marche anti-G8 à Rostock en juin. Simon en était : " J'y suis allé en suivant mes potes sans réaliser qu'on allait à la baston. Heureusement que les non-violents étaient là."

Hélène surveille son couteau de près : pour cette végane - végétarienne qui ne consomme ni ne porte aucun produit d'origine animale -, pas question que la lame entre en contact avec le pâté en boîte posé sur la table. "Ça me démonte que, dans un rassemblement décroissant, on mange de la viande", bougonne-t-elle. La casquette posée de travers sur ses cheveux châtains, cette brune gironde explique qu'elle est "sur la route" depuis six mois : elle n'a plus envie "de travailler pour un patron ni de toucher de l'argent de l'Etat". Ce qu'elle apprécie ici, c'est qu'"on va au bout des choses, c'est pas du blabla". La soirée s'achève dans les volutes bleues des "pétards" qui circulent.

JEUDI, 9 H 30.
On commence en se réfugiant sous un hangar. La nuit sous la tente a été froide et les mains se figent sur les gobelets de café. Au programme, la préparation complète d'une action contre un convoi transportant le missile 51 au centre d'essais des Landes. L'opération doit être à la fois pacifiste et efficace, professe Ben, cheminot.

Logistique, sécurité, repérage, vérification de l'itinéraire emprunté, contact juridique en cas d'arrestation, soutiens locaux, moyens de communication alternatifs au portable suspect d'être sur écoute - "le mieux, c'est de donner un nom de code à l'action comme "on va aux champignons cet après-midi"", précise Jean-Claude, un postier arborant un tee-shirt "Made in Tchernobyl". Il faut aussi veiller à la distribution des rôles pour que chacun sache ce qu'il doit faire - les "peace keepers" calment le jeu, les "anges gardiens" ravitaillent les activistes... "C'est vachement important", prévient Yannick.

12 HEURES.
Les stagiaires ont tout "listé", la faim se fait sentir. Un tour de table appelé "la cérémonie du thé" permet à chacun de dire comment il a vécu l'action. "Exprimer ses émotions évite les malentendus", insiste Jean-Charles. L'émotion du moment est plutôt aux bâillements. C'est l'heure de la sieste sur l'herbe.

19 HEURES.
Après un repas toujours aussi succinct, on passe à l'atelier "désescalade". Ou comment désamorcer les situations de violence à l'intérieur du groupe. Celle qui jaillit quand on est surpris en train de taguer un panneau publicitaire ou qu'on déploie quand on essaie de se dégager lors d'une arrestation. Le groupe doit s'interroger sur les moyens de faire retomber la tension et garder une image pacifique, "parce que le flic reste un être humain". Les stagiaires hésitent : "On s'enfuit ?", lance Hélène. "Surtout pas, ça crée de la perturbation dans le groupe. Entraîne les autres à s'asseoir, répond Ben. Le but est de réfléchir à ce moment où la situation peut vous échapper et l'anticiper." L'assemblée agite les mains en l'air pour manifester son accord : le langage des sourds-muets est de rigueur dans les réunions désobéissantes.

VENDREDI 10 HEURES.
C'est l'heure d'apprendre les "techniques de blocage". Pour faire durer une action le plus longtemps possible avant de se faire déloger par les forces de l'ordre, quelques ficelles sont nécessaires. Le matériel est posé à terre : un antivol de moto en U, une chaîne, des tuyaux de canalisation en PVC, des cordelettes... Jean-Claude se plaque contre une grille supposée être celle d'une centrale nucléaire, passe l'antivol à son cou - "ça passe l'envie aux policiers de tirer dessus. Pour vous libérer, ils doivent passer à la meule chirurgicale (outil dont se servent les médecins pour ouvrir les plâtres)." Pour terminer l'exercice, un conseil : en cas d'occupation prolongée, prévoir une couche "pour les besoins pressants".

Plus loin, un groupe s'essaie à "la tortue". Assis en petit cercle, pieds et bras emmêlés sous les jambes, il forme un "pack" impossible à soulever. Autre "outil", un tuyau de PVC muni d'une vis transversale permet de bloquer deux activistes par les bras. "La méthode de résistance passive passe par une exposition du corps, mais maîtrisée", précise Ben. Des fous rires ponctuent les exercices. Les animateurs commencent à fatiguer : "Vivement lundi, souffle Jean-Charles, qu'on reprenne le boulot !"

Sylvia Zappi - Article paru dans l'édition du 07.10.07.

Les « désobéissants » proposent un stage à l’activisme non-violent

Le collectif «Les désobéissants organise discrètement ce week-end près d’Etretat un stage à l’action directe non-violente.
Ce réseau informel de militants constatant que les modes traditionnels de mobilisation comme les pétitions et les manifestations ne valent que de trop rares victoires, a décidé « d’agir de manière directe et non violente aussi souvent que nécessaire et possible». Ils sont devenus ainsi faucheurs d’OGM, démonteurs de panneaux publicitaires, dégonfleurs de 4x4 de ville, activistes écologistes… « Beaucoup de militants pratiquent l’action directe non violente de façon spontanée, sans formation, ni préparation », explique le collectif qui a décidé d’organiser chaque mois un stage de formation associant « approche théorique et exercices pratiques ». Pour l’animateur du collectif, Xavier Renou, un ancien de Greenpeace, « il s’agit de se réapproprier la politique en fournissant des outils plus efficaces ». Il est à noter que l’inscription au stage implique « le désir de pratiquer un jour, à un titre ou à un autre, à une action directe non violente ». Xavier Renou ne nie pas le fait que le choix d’Etretat n’est pas forcément étranger aux projets « énergétiques » de la région.

Source : Fil-fax 6 Oct. 2007 (quotidien de Normandie)

Apprendre à désobéir

Depuis 2006, un collectif de militants multicauses propose des stages d’activisme non violent et invente des façons de dénoncer ce qui cloche dans la société.

Grand Angle - Par LAURE NOUALHAT - Libération jeudi 30 août 2007
Bure (Meuse) envoyée spéciale

Sous la bruine de Lorraine, une brochette de militants antinucléaires bloque l’entrée d’un centre de stockage de déchets radioactifs. Décontractée, la police dégage les militants en vingt minutes. Le tout dans la franche rigolade. Car ce jeu de rôles grandeur nature clôture un stage un peu spécial organisé par le Collectif des désobéissants. Inspirés par Henry David Thoreau et Gandhi, révoltés par la société de consommation, le réarmement nucléaire, les OGM, la pub, les bagnoles qui polluent, l’injustice sociale, la biométrie, bref, révoltés par le monde tel qu’il tourne, ces militants-stagiaires se perfectionnent à la contestation. On les a vus, dans les manifs altermondialistes, inventer de nouvelles formes de luttes, ludiques, colorées mais déterminées. Ainsi, la Brigade activiste des clowns a «karchérisé» la mairie de Neuilly-sur-Seine qui ne respectait pas les 20 % de logements sociaux imposés par la loi SRU. Ou encore, le collectif Jeudi noir dénonce la crise du logement en débarquant, champagne en main, pour faire la fête dans des appartements à louer, généralement minuscules et hors de prix.

Atelier barbouillage de pub
Désobéir s’apprend. Voilà pourquoi le collectif (www.desobeir.net), créé fin 2006 par un ex-salarié de Greenpeace, prodigue des stages d’initiation et de perfectionnement à l’activisme non-violent. Après une action semi-ratée contre le premier tir français de missile M51, Xavier Renou écrit un manifeste du désobéissant. « En rentrant à Paris, je me suis dit qu’il nous fallait plus de formation et, surtout, faire converger les luttes», raconte le fondateur d’un collectif qui rassemble des écologistes, des pacifistes, des intermittents du spectacle, des chômeurs, des salariés… Pour 45 euros, durant deux jours, les stagiaires fomentent des manifs contre les OGM, trament un barbouillage de pub, préparent un sit-in pacifiste. Sous une grange retapée, le stage se décline en divers ateliers. Celui consacré aux risques juridiques balaie ce qu’encourent les activistes. Ici, l’illégalité semble légitime. « Les problèmes que nous dénonçons sont tellement énormes (OGM, nucléaire…) qu’il faut employer autre chose que des moyens légaux pour se faire entendre», se défend Bénédicte. Avant toute chose, la désobéissance civile prônée ici est non-violente. Mais chacun a sa propre définition de la violence : consensus dans le groupe sur la violence physique, mais quid des violences symboliques et psychiques ? « Qu’est-ce qui est violent, l’action ou le ressenti ?», interroge un stagiaire. « Humiliation, séquestration, certains d’entre nous ne veulent pas exercer de violences psychiques», précise Xavier Renou.

«Travailler son style»
Si certains n’hésiteraient pas à bloquer la chaîne de montage d’une usine de 4x4, d’autres refuseraient catégoriquement de retenir le patron d’une firme de biotechnologies, ou de faucher des OGM sous les yeux de celui qui les a plantés.
Le stage enfonce quelques portes ouvertes, notamment sur la préparation des actions. Bien se préparer et avoir confiance dans les membres de son groupe constitue un rempart contre le raté. « Comme Arsène Lupin, il faut travailler son style, sourit Valérie (lire ci-contre). Et toujours, prévoir un plan B.» Audace, humour, ces militants sont des créatifs de la résistance. « Votre seule limite est votre imagination», prévient le formateur, avant de raconter l’histoire de ces Espagnols venus bloquer la base militaire nucléaire de Faslane (Ecosse). En renversant des pots de peinture rouge sur leur combinaison, ils ont désarçonné les policiers écossais qui ne les ont pas touchés. Pourquoi ? C’est à eux qu’incombe la tâche de laver leur uniforme. L’atelier médias retient toute l’attention des stagiaires. Signe des temps, les actions sont pensées pour informer et donc pour «plaire» aux médias. «L’image compte beaucoup quand on cherche à atteindre l’opinion publique», poursuit Xavier Renou. Ce qui est le cas du fauchage volontaire, idéalement formaté pour la télé et qui a permis de faire entendre la cause des opposants aux OGM. Mais pour faire une image, il faut durer. L’atelier Sit-in file des trucs et astuces pour enquiquiner les forces de l’ordre : faire un bon poids mort, s’assembler en tortue (groupe de minimum cinq manifestants aux membres savamment entremêlés). Puis on apprendra à bricoler le fameux arm-lock, un tube en acier très utile pour s’auto-enchaîner à des voies ferrées ou à des engins de chantier. Les désobéissants l’apprécient d’autant plus qu’il oblige les forces de l’ordre à recourir à un outillage spécial, ce qui prend du temps.

Guy Wan der Pepen, 73 ans, ancien agriculteur, militant altermondialiste. Il ne faut se fier ni à son âge ni à ses yeux bleu piscine. Ce gars aux allures de vieux scout est un récidiviste, condamné à deux mois de prison avec sursis et à 1 500 euros d’amende pour avoir fauché des cultures OGM en 2005. Comme Guy a remis ça en 2006, il risque désormais trois mois ferme. Mais il ne regrette rien. Pire, il est prêt à recommencer. Ce week-end, il était à Verdun-sur-Garonne avec ses copains faucheurs, une seconde famille devenue son « moteur» au fil des années de lutte. « J’ai connu l’Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. A cette époque-là, on n’a pas hésité à résister, plutôt violemment d’ailleurs. Même s’il est difficile de faire l’analogie avec 39-45, je pense qu’il faut entrer en résistance contre la dictature économique. D’année en année, on perd nos droits, on assiste à une régression sociale et à l’enrichissement des forces financières. Aujourd’hui, la misère remplace la pauvreté.»
Le stage lui a permis de partager sa détermination : « On peut gagner avec la non-violence.» Concrètement, il a appris qu’il valait mieux garder le silence, une fois au poste de gendarmerie. « C’est dur, on a tellement envie de leur expliquer les raisons de nos actes. Parfois, j’ai senti que certains étaient de notre côté.» Il a désobéi pour la première fois à Namur en 2001 en fauchant une parcelle OGM. Issu d’une famille d’agriculteurs très croyants, Guy a été aviculteur pendant vingt ans à Hestrud (Nord) jusqu’en 1975. « Au début des Trente Glorieuses, j’ai investi dans l’agriculture industrielle.» Ses milliers de poules pondaient agglutinées les unes aux autres. Insatisfait de leur sort, il adhère aux Paysans travailleurs, l’ancêtre de l’actuelle Confédération paysanne, puis las, devient ambulancier jusqu’à sa retraite, prise il y a onze ans.
Sa femme et sa fille préféreraient le voir biner son potager, mais Guy ne désarme pas. « Nous devons reconquérir notre citoyenneté, devenir des grains de sable dans les rouages de l’économie libérale.» Depuis 2002, il vote blanc ou nul : «Je ne peux pas donner ma voix à des traîtres qui sont à la botte des puissances économiques.»

Stéphane Didelot, 34 ans, professeur de menuiserie, et Fanny Exertier, 28 ans, psychologue. Venir au stage semblait tout naturel à Fanny et à Stéphane. Cette petite brune est issue d’une famille militante antinucléaire qui a défilé à Creys-Malville en 1977. « Moi, c’est l’élection de Sarkozy qui a déclenché le truc. Je me suis dit qu’il fallait s’engager.»
Ils ont tous les deux créé un groupe antinucléaire dans les Vosges, à Epinal. Le stage de désobéissance leur a révélé leurs limites. Séquestrer un patron dans ses bureaux, faucher une parcelle OGM en présence de l’agriculteur, autant d’actions que le couple fraîchement pacsé n’est pas sûr de pouvoir assumer. « Le stage m’interroge sur ma capacité à devenir activiste. Je ne veux pas rester dans le confort de notre petite vie, ne rien faire, mais je me demande comment vivre notre engagement politique », interroge la jeune psy.
Leur casier judiciaire est vierge et ils tiennent tous deux à ce qu’il le reste. « Sur certaines actions, on se contentera de tenir les banderoles et d’informer les gens !» prévient Stéphane qui, contrairement à Fanny, n’a pas eu de parents militants. « Agir, manifester, s’engager, c’est déjà se marginaliser un peu face à l’entourage», plaide-t-il.
En tant que délégué CGT dans son lycée, il reconnaît les limites de l’action syndicale traditionnelle, et l’atelier sur les médias l’a particulièrement intéressé. « Les tracts à l’ancienne, c’est fini. Il faut inventer de nouvelles façons d’attirer l’attention des médias, sinon, on passe inaperçus.»

Valérie Marinho de Moura, 38 ans, intermittente du spectacle. «Pour vivre ses idées, il faut être dans l’action.» Sous des airs angéliques, Valérie cache une détermination sans faille. Cette comédienne a grandi dans une famille écolo «plutôt de droite». Au menu de son enfance, quelques manifs contre la torture animale, mais un point de vue pronucléaire. Elle a cherché longtemps une justification au positionnement politique de ses parents. A leur « vision colonialiste du monde». Sa mère, aujourd’hui décédée, se disait pour l’Algérie française tandis que son père pilotait des avions de chasse sous la dictature de Salazar, au Portugal.
En 1998, ses interrogations la conduisent à l’association Survie qui milite en faveur de l’assainissement des relations franco-africaines. Elle s’ouvre à d’autres causes : les sans-papiers, les chômeurs.… Elle coanime les stages de désobéissance civile et se consacre à ses engagements politiques. L’action militante lui permet de ressentir ce qu’elle a lu (François-Xavier Verschave sur la «Françafrique», Edgar Morin, Patrick Viveret, Alain Denault). «L’organisation de la pensée doit rester en mouvement et l’action désobéissante permet de faire circuler les idées.»
Jusqu’au début de l’année, Valérie travaillait dans des sociétés de production audiovisuelle. «J’y ai vu et entendu des choses qui me déconcertent, notamment de la part de gauchos embourgeoisés, malhonnêtes, aux discours bien pensants à des années-lumière de ce qu’ils vivent.» Elle «récupère», découvre la joie profonde de vivre en cohérence avec ses idées, parmi des gens qui la rassurent. Elle collabore avec une compagnie de théâtre qui monte des spectacles pour Chaillot. Comédienne, elle a joué dans des pubs, «ce qui ne [lui] viendrait même plus à l’idée». Dans une fausse manif de droite, organisée par les Désobéissants, déguisée en «pétainiste», elle scandait «la solidarité, c’est dé-pas-sé» ; elle s’est coiffée d’un bonnet phrygien, pour jouer une Marianne sanglante, pendant une action dénonçant le rôle de la France dans le génocide rwandais. «Je crée mes propres héros, je joue ce qui me fait vibrer.»

Désobéir sans violence en dix leçons


Le "poids mort" nécessite l'intervention de plusieurs membres des forces de l'ordre. Une technique bien connue des militants.

Citoyenneté - Toute cette semaine, la maison de la résistance Bure Zone Libre est le théâtre d'un stage de formation un peu particulier. Le thème : «Actions non-violentes et déterminées dans l'esprit de "désobéissance civile"».
En clair, comment militer pacifiquement.

Dans un tel cadre, on croirait assister à la réunion clandestine d'un commando. Une vieille grange dans la campagne, lumière blafarde et militants qui se préparent à en découdre. Ils sont une quinzaine d"'activistes" réunis toute la semaine à la maison de la résistance Bure Zone Libre. Au programme : formation théorique et pratique à l'action non-violente. Un stage organisé pour la première fois dans l'Est de la France.

Ce mardi après-midi, c'est "techniques corporelles de résistance à une intervention policière". Autour de Xavier Renou, l'un des fondateurs du groupe des Désobéissants, un collectif qui prône la non-violence comme moyen d'action, les stagiaires prennent tour à tour le rôle d'activistes ou de policiers tentant de les déloger. "La police doit mettre du temps à nous évacuer pour que la presse ait le temps de faire son travail, explique le formateur, car l'image compte beaucoup dans une action militante."

Pour cela, plusieurs techniques : le "poids mort", qui consiste à se laisser traîner pour obliger les forces de l'ordre à intervenir à trois ou quatre, ou la "tortue", position dans laquelle les militants s'entremêlent bras et jambes pour ne pas être évacués. «Il y a d'autres méthodes, comme celle de la glu. On a déjà vu des activistes se coller les mains pour ne pas être séparés. Ou alors, on peut se peinturlurer le corps. Si la police tente quelque chose, ils sont couverts de peinture et comme, en général, ils doivent laver eux-mêmes leur uniforme, ils n'aiment pas beaucoup ça !"

Après la théorie, la pratique
Même s'il se déroule à Bure, le stage ne porte pas uniquement sur la lutte anti-nucléaire. On parle aussi fauchage d'OGM, expulsion de sans-papiers ou action anti-publicité. "On travaille plus sur la globalité de l'action. Tout ce qu'on va apprendre ici est applicable à tous les mouvements de résistance", précise Michel Marie du Collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs de Haute-Marne (Cedra 52).

Au programme également, l'art de faire des réunions efficaces. "Dans les luttes non-violentes, l'idée, c'est de durer. Et pour ça, il faut un consensus, que chacun soit acteur de la décision", poursuit Xavier Renou. Et pour arriver à un consensus, sans perdre son temps en réunions interminables, il y a toute une gestuelle pour se faire comprendre sans prendre la parole. Le stage théorique doit se terminer ce soir, après avoir étudié notamment, la philosophie de la non-violence, les aspects juridiques, la relation aux médias ou le vidéoactivisme. Ensuite, les stagiaires passeront à la pratique. Trois jours de mise en situation dans les environs de Bure. Avant de se retrouver, dimanche, pour la première Trans'Mutance, une marche à pied qui se terminera par une soirée festive. C'est aussi ça, une action non-violente.

Pierre-julien Prieur - Journal de la Haute Marne - Mercredi 22 août 2007


Un article du Point qui dit tout sur les stages des désobéissants... une journaliste s'y était inscrite sans nous le dire !
Elle nous a recontacté après coup pour s'excuser du "procédé peu glorieux" utilisé pour faire ce reportage. Ce qui explique aussi sans doute les nombreuses erreurs et inexactitudes de l'article. Il n'empêche qu'on peut trouver l'article plutôt bon, aux erreurs près. Son procédé est un peu déloyal, mais après tout c'est de bonne guerre : nous utilisons exactement les mêmes procédés dans nos actions et le Point n'est pas un organe de presse ami.
Autre chose, nous passons pour les cerveaux de toutes les actions de désobéissance en France et même à l'étranger. C'est ridicule, mais bon, nous avons été piégés et comment faire un papier accrocheur sans exagérer un peu?


Militantisme : Mon stage chez les néo-contestataires

Les nouveaux contestataires se veulent non-violents, joyeux, efficaces. Tout cela s'apprend. Une journaliste du Point a participé à un stage de « désobéissance ».

14/06/2007 - Marie-Sandrine Sgherri - Le Point - N°1813
Les clowns qui ont perturbé le G8, c'étaient eux. L'occupation du toit de l'Unedic à Paris en avril pour défendre le régime des intermittents, eux aussi. Eux encore la « manif de droite » le 20 mai, pour saluer l'élection de Nicolas Sarkozy aux cris de « Du travail pour les racailles » ou « La culture, ça fait mal à la tête ». Un happening le 7 avril à la pyramide du Louvre, où du sang - en fait du colorant alimentaire acheté rue Montmartre - a été répandu dans le bassin pour dénoncer devant les touristes interloqués le génocide rwandais « made in France », eux à nouveau. Eux, ce sont les « désobéissants ». Des militants, plus ou moins jeunes, plus ou moins expérimentés, mais qui ont fait de la désobéissance civile leur mode d'action favori.

Ces manifestations semblent débridées. En fait, elles ne s'improvisent pas. Essayez donc, si vous en doutez, de bloquer une autoroute en compagnie d'une poignée d'amis, même déterminés ! Essayez de faire le maximum de tapage médiatique sans cocktail Molotov ni lancer de pavé. Tentez de faire rire jusqu'à un cordon de CRS sans pour autant apparaître comme de purs hurluberlus sans cervelle ni conscience !

Pour mieux maîtriser les techniques de l'agit-prop moderne, des stages sont organisés. Un site Internet au nom explicite, desobeir.net, propose deux jours de « formation à l'action directe non violente » associant « approche théorique et exercices pratiques, mises en situation, techniques et bricolage ». Le lieu est tenu secret jusqu'au dernier moment. Sage précaution, puisque le premier stage, en décembre dernier, faute de discrétion, s'était déroulé sous la surveillance de la police.

C'est donc quelque part dans le sud de la France que 45 stagiaires se sont retrouvés pour apprendre les rudiments d'une action de désobéissance efficace. Ils sont déjà militants, s'inquiètent des dérives de la science, des excès du consumérisme, des menaces sur les libertés publiques. Ils protestent contre le nucléaire, la pub, les OGM, le fichage biométrique généralisé, le « néocolonialisme ». Ils soutiennent les Palestiniens, les sans-papiers, les sans-logement... Quelle que soit la cause, tous fustigent l' « immense passivité » de leurs concitoyens. Eux veulent agir.

Hurluberlus ? Pas du tout. Marginaux ? Encore moins. Gilles*, l'organisateur, est chercheur en sciences politiques. Sacha, notre formateur à la non-violence, commercial. Les stagiaires aussi viennent de tous les univers. Pierre, adhérent de Greenpeace et vieux de la vieille du combat antinucléaire, est, dans le civil, un simple artisan. Quelqu'un qui a des employés, des clients et des fournisseurs, qui paie ses factures et ses impôts. Mais, il y a deux ans, quand un ULM a survolé le chantier de l'EPR à Flamanville pour prouver que le site n'était pas à l'abri d'une attaque terroriste, Pierre en était. Quand des Zodiac ont mené une « inspection citoyenne » de la base sous-marine de l'île Longue, il y était aussi. « Il faut bien informer les gens, explique-t-il, puisque même nos candidats à la présidentielle ignorent ce qu'est l'EPR et combien nous possédons de sous-marins nucléaires d'attaque ! »

A côté, Thierry est un tendron. Il n'a pas 30 ans. Ingénieur en aérospatiale, il a vu lors de son premier job l'alliance des scientifiques, des militaires et des financiers. Aujourd'hui, il en est sûr : « Le développement durable, c'est de la com' ! Une entreprise est mue par le seul profit. Lui confier le soin de préserver l'environnement est un non-sens. » Ricardo a peu ou prou le même parcours. Maître de conférences en informatique, il a carrément démissionné, effaré du manque de conscience éthique de ses collègues. Mouche aussi est une repentie, du marketing cette fois. RMiste volontaire, elle court les manifs déguisée en clown, une activité qu'elle juge « mille fois plus utile à la société que mon ancien job ». Il y a là aussi un éleveur de chiens, ancien chargé du service d'ordre d'un grand club de football, une bibliothécaire, des salariés d'associations, des étudiants...

Jusqu'où ces militants sont-ils prêts à aller ? Eh bien, justement, ça dépend. Premier exercice proposé par Sacha, qui a adapté les techniques de la négociation commerciale à la formation non violente : deux lignes sont symboliquement tracées dans l'herbe. A leurs extrémités, deux possibilités : est-ce violent/non violent ? Le feriez-vous/ou pas ? Selon les actions proposées, c'est à chacun de se situer le long de ces lignes et de tracer ainsi les contours relatifs de « l'action directe non violente ». Par exemple, briser les ampoules des illuminations de Noël afin de lutter contre une débauche d'énergie écologiquement incorrecte. « Violent », estiment les uns. « Non violent », estiment d'autres, qui ne le feraient pas pour autant car c'est « médiatiquement contre-productif de tirer sur le traîneau du Père Noël ».

Pas de mots d'ordre, de tables de la loi idéologiques, de bréviaire : les désobéissants sont aux antipodes du militantisme de papa. Ici, le mot « chef » est banni : on préfère parler de « référent ». Banni aussi le « on » : l'activiste doit toujours dire « moi, je ». Car chez les désobéissants règne l'hyper-démocratie : hors de question qu'une minorité s'incline devant la majorité et chaque réunion doit parvenir à un parfait consensus. En raison d'un vieux fond anar ? Sans doute. Parce qu'ils sont les produits du consumérisme individualiste qu'ils vomissent pourtant ? Aussi. Mais pas seulement. De fait, c'est le « moi » activiste qui va occuper un pylône à 30 mètres au-dessus du sol. Son moi encore qui va narguer les CRS et finir dans un panier à salade. Bref, ce moi a son mot à dire.

Mais parvenir au consensus dans une réunion de désobéissants suppose là aussi de maîtriser certaines techniques. b.a.-ba : pratiquer la communication non verbale pour que chacun s'exprime mais sans chaos. Les mains s'agitent en l'air pour signifier l'approbation, le même mouvement vers le sol signifie la réserve. Quand un militant s'enlise, on lui montre, par un moulinet des index, qu'il est temps d'accélérer. Enfin, tout désobéissant qu'on soit, ici aussi il faut lever le doigt.

Une pseudo-réunion est organisée à titre d'exercice. Par groupes de cinq, les stagiaires doivent discuter de l'ordre du jour suivant : une manifestation contre l'arsenal nucléaire français est prévue dans deux jours, des milliers de personnes déguisées en missiles sont attendues sur les Champs-Elysées. Manque de bol, un attentat sanglant à Londres risque de faire passer nos bombinettes ambulantes pour une provocation et l'on court à la cata médiatique ! Que faire, comme disait Lénine ? Dix minutes, pour construire un consensus à cinq, c'est court mais pas insurmontable. Pierre, l'antinucléaire, écarte d'emblée l'hypothèse « annulation » : « Désolé d'être terre à terre, mais une manif, c'est de l'argent. Il ne faut pas l'oublier. » Enzo, jeune journaliste dans des médias alternatifs, est quant à lui partisan d'une adaptation du discours : une banderole, par exemple, liant le risque terroriste et la menace de la prolifération nucléaire. Refus catégorique de Pierre : « On n'improvise pas à deux jours d'une grosse manif. » Enzo propose un compromis : un tract, moins voyant qu'une banderole et plus explicite. En vain. Pas si facile le consensus entre désobéissants !

Si Pierre incite à ne pas improviser avant une opération, Gilles conseille de savoir s'adapter pendant l'action. Ainsi, durant la campagne présidentielle, Bové et Besancenot ont marché sur l'Elysée pour demander des comptes sur le programme M51, le futur missile nucléaire français. Manif à succès puisque José Bové, molesté, demandant aux CRS de reculer, a eu les honneurs du 20 Heures. C'était en réalité une « diversion », nous révèle Gilles. « Un gros coup était prévu. Mais on l'a annulé parce que visiblement il y avait eu des fuites. » On n'en saura pas plus. Qui sait, le « gros coup » servira peut-être une autre fois.

Après le déjeuner bio et végétarien, nous passons à l'atelier « techniques de blocage ». Empêcher le transport de déchets dangereux, interdire aux ouvriers l'accès à un chantier, comme celui de l'EPR, perturber l'arrivée des employés à une base militaire : autant d'actions spectaculaires et non sans risque. Elles supposent d'abord un repérage soigneux des lieux et des forces en présence. Une fois sur place, plusieurs options pour tenir la position. Hélène déconseille, surtout aux filles qui, comme elle, ont une petite tête, de s'enchaîner le cou à une grille par un antivol en forme de U. Pendant que deux « U » circulent dans le cercle des militants, Hélène s'explique : « Avant de se rendre compte que la tête ne passe pas, les flics essaient toujours de forcer plutôt que de scier. Ça fait mal ! » Plus ingénieux, les « armlocks », des tubes en simple PVC pour la démonstration, mais qui, en action, seront soit en acier, soit renforcés par du grillage recouvert de plâtre. Les armlocks permettent aux activistes de s'enchaîner les uns aux autres par des mousquetons en passant leurs bras dans les tubes. Le système d'accroche est invisible et les policiers doivent le scier en prenant moult précautions. « Ils nous donnent même des lunettes pour qu'on ne reçoive pas des trucs dans les yeux », nous rassure Gilles.

Nous découvrons que le flic peut devenir le plus sûr allié de l'activiste : « Lors des blocages, les plus agressifs ce sont ceux qui sont bloqués , prévient Gilles. N'hésitez pas à demander à la police de vous protéger. » En cas de manquement, les activistes peuvent aussi compter sur leur « legal observer », des témoins qui ne participent pas à l'action, mais qui notent soigneusement comment se comportent les forces de l'ordre.

Dernière technique de blocage, la tortue, qui ne nécessite aucun matériel. Imaginez un « noeud » d'activistes : 7 ou 8 personnes assises par terre qui ont emmêlé leurs jambes les unes aux autres, et dont les mains, qui s'agrippent par-dessous, sont invisibles. Raffinement suprême : s'habiller de la même couleur pour que les policiers s'y perdent. « Une bonne tortue peut durer vingt minutes », affirme Hélène. En Ecosse, où des pacifistes se relaient pour bloquer pendant 365 jours le site de Fastlane, la plus grande base de l'Otan en Europe, Gilles a même vu une « tortue » enduite de peinture fraîche. Il en rigole encore : « Ce sont les flics qui payent pour le nettoyage de leurs uniformes. Ils n'osaient pas y toucher. »

Dernier atelier : le training médias. Notre formateur, Raphaël, a travaillé d'abord dans un magazine, avant d'officier au Lab TV, une chaîne indépendante sur le Web. La plupart des journalistes, explique Raphaël, sont des fainéants. Les autres, « pleins de bonne volonté », sont des « manipulateurs de bonne foi » qui ont intériorisé les désirs de leur direction. Démonstration à l'appui : Raphaël a filmé l'exercice « grandeur nature » d'un précédent stage. Des activistes y perturbaient l'inauguration fictive d'un incinérateur d'ordures ménagères. Le montage « style TF1 » montre des manifestants décervelés, tandis que le maire du village est un notable soucieux du bien public. Pour éviter cette Berezina, Raphaël conseille de préparer son argumentaire, de préférer les phrases courtes qu'on répétera en boucle pour éviter tout montage, de citer des chiffres dont les médias sont friands. Il conseille aussi de choisir comme « contact presse » une jolie fille et, si la conscience du désobéissant n'y répugne pas, d'adapter ses propos aux médias : parler du « fond » aux médias sympathisants, insister sur « la santé publique ou le coût pour le contribuable sur TF1 » .

Place maintenant à l'action. Mais attention, même les plus expérimentés ne sont pas à l'abri d'un fiasco. Quelques jours auparavant, les désobéissants français ont été piteusement mis en échec à Fastlane, la base de l'Otan. « Les paniers à salade étaient garés juste à l'endroit où nous sommes arrivés. » Seuls les porteurs d'armlocks ont été gardés à vue. Les autres en ont profité pour filmer des Allemands. Au son d'une flûte, une dizaine d'entre eux, couchés et enchaînés sur la route, ont chanté imperturbablement au milieu des flics affairés. Une leçon pour Marc, militant pacifiste acharné, qui soupire : « On en est encore loin. Chez nous, c'est toujours le bordel. »

Le pense-bête du bon désobéissant

Avant toute action, le militant doit observer quelques règles élémentaires : ne pas oublier ses papiers d'identité pour éviter de longues heures d'attente en cellule. Les prévoyants penseront à leur carte Vitale et à l'attestation jointe en cas d'hospitalisation. Il faudra aussi penser à s'attacher les cheveux pour donner moins de prises aux forces de l'ordre, à respirer par le ventre pour évacuer son stress, à sourire et à chanter pour manifester sa non-violence. Ne pas oublier non plus de prévenir la société ciblée de ses revendications - en cas de poursuites, le juge vous en saura gré. Penser aussi à envoyer un communiqué de presse, mettre au point un plan B en cas d'imprévu. Surtout, bien vérifier qu'on a avec soi le numéro de téléphone d'un avocat.


Désobéir peut vous coûter Cher (ou pas)

Seul regret à la fin du stage émis par quelques participants : l'absence d'un atelier sur les risques juridiques liés à la désobéissance. Voici donc une petite session de rattrapage. Les peines encourues varient selon l'action (y a-t-il destruction ou pas ? ). Elles varient aussi, et c'est plus étonnant, selon la cause défendue. Bruno Rebelle, organisateur du blocage de l'autoroute A41, au nom de la défense des vallées alpines, a été dispensé de peine. Les militants de Greenpeace qui ont déversé vendredi des têtes de thon devant le ministère de l'Agriculture n'ont pas été inquiétés. Mais celui qui a déversé du maïs OGM devant le siège de campagne de Nicolas Sarkozy a été condamné à deux mois de prison avec sursis et 700 euros d'amende. Au hit-parade des luttes « cools » : le barbouil-lage de pub : au maximum, les militants se sont vu infliger 200 euros d'amende avec sursis. A Paris récemment, la peine s'est faite symbolique : 1 euro et à Lyon, devant le tribunal de police, Me François Roux, leur avocat, a obtenu la dispense de peine.

Pour les faucheurs volontaires, le tarif est nettement plus lourd. Poursuivis pour « dégradation commise en réunion », ils risquent jusqu'à 75 000 euros d'amende et cinq ans de prison. Par trois fois, relaxés en première instance, ils ont été en début d'année condamnés en appel. Jean-Emile Sanchez et José Bové, multirécidivistes, ont écopé respectivement de deux mois et quatre mois ferme. François Roux est « déçu » mais pas accablé : « Quand je défendais les objecteurs de conscience, j'obtenais toujours la relaxe, et le jugement était systématiquement infirmé en appel. Il a fallu vingt ans de combat pour que l'objection de conscience soit autorisée ! »

En attendant, les militants parient sur le nombre. 250 faucheurs ont ainsi demandé à comparaître volontairement pour embouteiller les tribunaux. Avant cela, les désobéissants tentent d'embouteiller les commissariats : « En province, explique Me Alexandre Faro, avocat de Greenpeace, 60 militants peuvent suffire. Impossible de tous les garder à vue. » M.-S. S.

Zalea TV : 30 minutes de "l'Actu par derrière" du 5 avril 2007 consacrées au mouvement des Désobéissants et l'action dans l'autre pays européen du nucléaire militaire (à partir de 34 mn)

Le 19 avril 2007, Xavier Renou du manifeste des désobeissants et les membres de l'association Survie évoquent une action non-violente au Louvre contre la Françafrique (à 41mn)

Le Lab TV : Reportage "Désobéir, ça s’apprend !" (Mars 2007, 7 mn 26s)

Zalea TV : L’actu par derrière, 11 Janvier 2007

Le rendez-vous hebdomadaire d'informations de Zalea TV où l'on déballe en vrac toutes les infos passées et à venir. Ca va du coup de gueule féroce aux bons plans culturels. Allez voir à partir de la 109ème minute...

Action directe non-violente, l'émission à écouter : 1ère partie et 2ème partie (58 mn chacun) sur France Inter les 4 et 5 janvier 2007 dans "Là bas si j'y suis",  Daniel Mermet a présenté le Manifeste des désobéissants, suite au WE de formation de décembre :

Action directe... non-violente (1)
Un reportage de Giv Anquetil et Renaud Lambert
Sur le plateau du Vercors, plus de soixante ans après la seconde guerre mondiale, une nouvelle résistance cherche à pointer le bout de son nez... mais non violente celle-là. Il faut dire que l’ennemi a changé : il s’agit aujourd’hui du nucléaire, des 4x4, des OGM...
Mais, en tout cas, « y’en a marre des manifs et des pétitions ». Il faut aller plus loin. Alors où ? Et comment ?
Rencontre avec un groupe d’activistes en formation à l’Action directe non violente.

Action directe... non-violente (2)
Suite du reportage de Giv Anquetil et Renaud Lambert
Deuxième jour du stage : on passe à l’action ! Enfin, on prépare un grand "jeu de rôle" au cours duquel, certains militants passent à l’action alors que d’autres, jouent la police locale.
La formation continue et toujours les mêmes questions : jusqu’où aller... et pourquoi ?
A lire : La privatisation de la violence, de Xavier Renou, aux éditions Agone.

 

 

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